D'UN SUISSE.
A la divinité mère du tendre Amour
J'osais, me recueillant un jour,
Du fond d'une antique chaumière
Adresser humblement ma dévote prière.
Je lui disais tout doucement :
O déesse aimable, en qui brille
Ce qu'on imagina jamais de plus charmant!
Je vous en conjure ardemment,
Daignez protéger votre fille;
C'est votre sang, votre famille,
C'est de l'aimable Cupidon
La compagne et la sœur cadette;
C'est elle dont l'amour, dit-on,
En m'embrasant me fit poëte,
Dont vous connaissez bien le nom,
Qui rime richement en ique.
Sur elle répandez, versez sur ses destins
Tous les biens que des dieux la faveur magnifique
Peut distribuer aux humains;
Qu'autant qu'elle est charmante et belle,
Elle soit, s'il se peut, aussi tendre et fidèle;
Que ni l'absence ni le temps
<272>N'éteignent dans son cœur de nos feux innocents
La flamme pure et mutuelle,
Ainsi que vos appas digne d'être immortelle.
Qu'elle connaisse bien le cœur
D'un certain Suisse qui l'adore,
Qui passe jour et nuit à compter chaque aurore
Dont l'éclat importun diffère son bonheur.
Puissiez-vous, ô Vénus! acceptant mon hommage,
Bénir le destin qui l'engage
A former ce nœud solennel!
Et puisse-t-elle enfin, dans cette union sainte,
En n'éprouvant jamais de la lune d'absinthe,
N'y goûter pour toujours que la lune de miel!
A Péterswaldau, septembre 1762.