<115>Pouvez-vous supposer que de sang-froid on souffre
Qu'un royaume en trois parts par trois voisins s'engouffre,
Qu'on s'arroge des droits, que trois princes d'accord
N'aient pas même imploré les arbitres du sort?
- Qui sont-ils, s'il vous plaît? - La France et l'Angleterre.
Vous les verrez bientôt, portant partout la guerre,
Corriger et punir des écoliers mutins
Qui, jouant les grands rois, ne sont que des gredins.
- Ah! pour la Prusse au moins nous vous demandons grâce.
- Peine perdue; il faut que justice se fasse.
Que diraient Richelieu, Philippe deux, Cromwell,
Grands hommes qu'illustra l'art de Machiavel,
Si dans nos jours déçus, de lâches politiques
Craignaient de s'égarer sur leurs pas héroïques?
On connaîtra dans peu la France et d'Aiguillon;a
Le Sarmate a chez eux sonné le réveillon.
Vous allez voir du Nord la fierté confondue,
Catherine sera par Mustapha battue;
Du fond de la Gothie un innombrable essaim
Des murs de Pétersbourg changera le destin;
L'Hellespont rassuré ne verra plus de Russe,
Et l'on extirpera jusqu'au nom de la Prusse.
- Ah! votre âme s'exalte, et vous prophétisez,
Dit doucement quelqu'un. - Les feux sont attisés,
Lui repartit mon homme; on va voir des miracles;
Ce sont des vérités, et non pas des oracles.
- La Lippe à Bückebourgb s'en réjouira bien,
a Le duc d'Aiguillon était ministre des affaires étrangères. Voyez t. VI, p. 34, 35 et 128.
b Voyez t. V, p. 116. Le comte Guillaume de Schaumbourg-Lippe mourut le 16 septembre 1777.