<121>Lorsqu'on était crédule et qu'on ne pensait pas.
Le monde était tombé, dans ces temps, en syncope :
Maintenant la raison, l'esprit se développe,
Rien n'est cru, s'il n'est pas clairement démontré,
On rejette un verbiage obscur, mais consacré;
Aux mots vides de sens ont succédé des choses,
Par des effets certains nous remontons aux causes;
La nature muette apprit à s'exprimer,
On sut l'interroger, et même l'animer.
Les miracles dès lors à nos yeux disparurent,
La vérité régna, les charlatans se turent,
La critique éclairée étourdit les docteurs,
Et partout la raison poursuivit les erreurs.
- Non, non, dit mon cafard, c'est par libertinage
Que l'incrédulité prévalut en cet âge.
- Eh quoi donc! grand docteur, connais-tu Spinoza?
Qui jamais de débauche en son temps l'accusa?
Et Bayle, plus profond, qu'un faquin méprisable
Persécuta longtemps d'un zèle charitable,
Nul penchant sensuel ne put le détourner
Du plaisir de penser et de bien raisonner.
Et ce bon empereur, de tous rois le modèle,
Cet homme en tout parfait, le divin Marc-Aurèle,
Penses-tu que ce fût un gros voluptueux,
Un pourceau d'Épicure, un prince crapuleux?
Peux-tu d'un Antonin faire un Sardanapale?
O fureur de parti! rage théologale!
C'est toi qui corrompis la probité, les mœurs
De ces fourbes tondus et de leurs sectateurs.
Pour maintenir la foi chancelante et douteuse,
Tout cagot sans rougir aima fraude pieuse;