<159>Tel, subjugué du dieu dont le transport m'inspire,
Plein de l'enthousiasme et du fougueux délire
De ses accès divins,
Je m'élance soudain des fanges de la terre
Au palais dont les dieux font tomber le tonnerre
Sur les pâles humains.
Mes accents ne sont plus ceux d'un mortel profane,
C'est Apollon lui-même, animant mon organe,
Qui parle par ma voix;
Des destins éternels la volonté secrète
Se dévoile à mes yeux, je deviens l'interprète
De leurs augustes lois.
O Prussiens! c'est à vous que l'oracle s'adresse,
Vous, que l'acharnement d'un sort barbare oppresse
Sous cent calamités :
Sachez qu'aucun État dans sa gloire naissante
N'éprouva sans revers la course triomphante
De ses prospérités.
Rome parut souvent au bord du précipice,
Sans que pour son secours l'appui d'un dieu propice
Détournât son affront;
Les sénateurs en deuil pleuraient la république
Quand Annibal, vainqueur, de ses guerriers d'Afrique
Eut écrasé Varron.
Au sein de ses dangers s'accrut son espérance;
Elle maintint ses murs plutôt par sa constance
Que par ses légions.