<41>Ses cendres, son tombeau, rien n'en existe plus.
Nous sommes tous soumis à cette loi commune,
Tout homme du malheur sans cesse est menacé;
Le temps présent est tel qu'était le temps passé.
Que n'ai-je point, ô Dieu! souffert de l'infortune!
A quel désastre, ô ciel! m'avez-vous exposé!
De mes pleurs mille fois je me suis arrosé.
O jour de désespoir! jour affreux de colère!
Mes propres yeux ont vu dans l'horreur du tombeau
A pas lents descendre ma mère;
D'une sœur1 qui m'était si fidèle et si chère
Je vis pour mon supplice éteindre le flambeau;
Des amis que j'aimais naguère
Se sont évanouis comme une ombre légère,
Et je respire encore, en les ayant perdus.
Mais en vain de leur sort mon cœur se désespère,
Malgré tous mes cris superflus,
On ne ranime point ce qui n'existe plus.
Telle est ma triste expérience;
Je le sens trop, et je connais
L'anéantissement où plonge la souffrance;
Je ne blâme donc point vos vertueux regrets.
Pensez, ma sœur, pensez, en répandant des larmes,
Que l'objet de vos pleurs, ombragé de cyprès,
N'a rien à redouter des terreurs, des alarmes;
Rien ne peut altérer sa paix.
Si j'avais le secret de ranimer sa cendre,
Si son âme pouvait vous voir et vous entendre,
Ah! ma sœur, elle vous dirait :
« Princesse, modérez une douleur si tendre
1 De Baireuth. [Voyez t. XII, p. 101-107, 207 et 214.]