<45>Au bonze fanatique, à l'ignorant brahmane
Il laisse avec mépris un culte tout profane.
Tandis que, me livrant aux jeux de mon loisir,
Mes vers sans nul effort coulent avec plaisir.
Et que mon âme heureuse en rien n'est alarmée,
Je vois vers l'Eucathay voler la Renommée;
Elle paraît manquer d'organes suffisants
Pour publier partout des succès étonnants.
Aux bords du Pont-Euxin, mon illustre voisine
Fait trembler le croissant au nom de Catherine,a
De l'Araxe au Danube étendant ses exploits,
Tient les fiers Musulmans sous ses augustes lois :
La fortune est pour elle inutile à sa gloire,
Elle va constamment de victoire en victoire,
Et son grand cœur préfère, au comble des succès,
A ses lauriers sanglants l'olive de la paix.
Moi, Mantchou chinoisé, mon tapabor en tête,
De son rare bonheur je me fais une fête,
Et ne puis envier ses triomphes voisins,
Qui sont le digne fruit des plus vastes desseins.
La Renommée, après ces fameuses querelles,
Des peuples d'Occident nous donne des nouvelles;
Elle suffit à peine à ces vastes récits,
Et nous raconte enfin en des termes choisis
Qu'il se fait à Paris des choses sans pareilles.
Les Welches depuis peu produisent des merveilles,
Ils couvent un projet plus digne des Anglais.
Des Grecs et des Romains, que des légers Français.
Moi qui, toujours fixé dans ma terre natale,
Suçais avec le lait la morgue impériale,


a Voyez t. VI, p. 30.