<94>La Discorde, en soufflant l'ardeur des factions,
Sut ranimer le feu de leurs dissensions,
Et, tournant contre vous leur noire perfidie,
En vous calomniant, aliéna la Russie.
La cabale, depuis, marchant le front levé,
De l'ordre se jouant par l'État approuvé,
Épuisait tous les fonds par sa folle dépense,
Et se plaisait à voir renaître l'indigence.
Le Roi, trop rabaissé, se vit, hélas! réduit
A voir en spectateur son royaume détruit;
Il fallut qu'il cédât à l'effort de l'orage,
Qu'il s'unît au parti qui lui faisait outrage;
Et sans que ses clients en fussent compromis,
Il agit de concert avec ses ennemis.
Ces traîtres endurcis bientôt vous traversèrent,
A rompre vos desseins leurs chefs se signalèrent;
C'était à Norrkoping,a au fort des démêlés.
L'indigne maréchal des états assemblés
Vous manqua, vous trahit et vous devint parjure.
Aucun tigre jamais n'a changé de nature,
Et jamais vos Suédois, républicains fougueux,
N'atteindront aux vertus dont brillaient leurs aïeux.
Il vous restait au moins un époux cher et tendre.
Qui savait partager vos maux et vous défendre;
L'impitoyable mort le frappa dans vos bras.
Voilà, ma sœur, voilà le sort des potentats,
Surtout des rois privés du pouvoir monarchique,
Tâchant de résister au torrent anarchique.
Des roseaux jusqu'au cèdre, et des rois aux manants,
Tout mortel est en proie aux chagrins dévorants;
a Le Roi veut parler de la diète convoquée à Norrköping en 1769.