<113>Mon esprit, occupé sans cesse de projets,
Dans l'obscur avenir découvrait des objets
Pour servir de pâture à son inquiétude.
L'art de régner devint ma principale étude;
Je croyais qu'un génie, en redoublant d'effort,
Combinant tous les cas, pût maîtriser le sort.
Mais qu'est l'homme, en effet, et quelle est sa prudence?
Un rien met en défaut sa courte prévoyance,
Les éternelles lois de la fatalité
Confondent son orgueil et sa dextérité.
Et ce rang, ce pouvoir dont les princes stupides,
Même en le possédant, deviennent plus avides,
Ils pensent y goûter dans la sécurité
D'un torrent de délice et de prospérité,
Ce rang empêche-t-il qu'ils ne restent des hommes,
Esclaves du destin tout comme nous le sommes?
O sage d'Alembert! vous voyez leur erreur;
Et la pourpre et la bure éprouvent le malheur.a
L'un pleure sur le trône, et l'autre en sa chaumière,
Le chagrin fait gémir l'âme la plus altière.
La preuve en est partout : ouvrons les champs de Mars,
Contemplons ce héros, le jouet des hasards;
Il triomphe, et bientôt le voilà mis en fuite,
Un lâche fait manquer le dessein qu'il médite.
Ainsi le sort des rois et des plus grands États
Dépend de l'instinct mâle ou craintif des soldats.
Ah! que d'illusions dans cette triste vie!
Qui l'aurait osé dire? ô vous, philosophie!
Du vaste firmament vous réglez les ressorts;
Mais ne connaissant point quels sont les premiers corps,
a Voyez t. XIII, p. 91.