<278> orientale d'Angleterre, sous des noms supposés. Mes agents, qui faisaient hausser et baisser les fonds à plaisir, déroutaient tout le monde et ils brouillèrent les directeurs de la compagnie, tandis que par mes manœuvres adroites je soulevais les nababs du Mogol contre l'Angleterre. La guerre se fit entre eux, et la compagnie fut sur le point de succomber; je pensai en mourir de joie.

Socrate.

La belle âme!

Choiseul.

D'un autre côté, j'excitais les Neufchâtelois à se révoltera contre le roi de Prusse, pour donner à cet esprit inquiet de l'occupation chez lui. Non content de tant de choses que je menais de front comme les Romains leurs quadriges, à force de sommes répandues dans le divan, j'obligeais les Turcs à déclarer la guerre aux Russes, j'animais la confédération en Pologne pour tailler de la besogne à Catherine, je voulais soulever contre elle les Suédois, pour qu'une diversion entreprise de leur part soulageât la Porte accablée par les armées russes; j'aurais même persuadé à l'Impératrice-Reine de seconder Mustapha, si mes ennemis ne m'avaient culbuté.

Struensée.

Quel dommage que tant de beaux projets n'aient pas été exécutés!

Choiseul.

Sans doute. J'aurais fait tant de bruit, j'aurais tant tracassé, que toute l'Europe n'eût parlé que de moi.

Socrate.

Souviens-toi d'Érostrate, qui brûla le temple d'Éphèse pour avoir de la réputation.


a En 1768. Voyez ci-dessus, p. 208.