<350>NÉRINE.

Tout se sait dans ce monde, mon pauvre garçon, et la curiosité des filles, qui veut être nourrie de nouvelles, en trouve sur son chemin en les cherchant. Quand Suzon, Marie, Chloé, Fanchon et Nanon sont ensemble, elles raisonnent du prochain, et chacune contant l'histoire de son quartier, elles en forment ensemble l'histoire de la ville. Vois-tu, je sais tout ce qui se passe.

MARTIN.

Tiens, puisque tu sais tout, je veux tout t'avouer. Mais au moins ne décèle pas mon maître, car son père ne le lui pardonnerait jamais.

NÉRINE.

Je suis curieuse, mais je ne suis pas méchante; je ne me mêle pas des fredaines de ton maître. Tu sais qu'il y a deux jours que M. Bardus son père l'attend pour le fiancer à ma maîtresse. Mais si je suis indifférente sur M. Bilvesée, je ne le suis pas sur ton sujet.

MARTIN.

Distingue du moins le maître du valet. Quand mon maître a étudié la nature et tout le savoir à l'université, je n'ai pensé qu'aux moyens de te plaire; quand il a couru le grand chemin de la galanterie, mes pensées t'ont été fidèles, quand même je ne l'étais pas; et quand il vient ici se loger pendant deux jours chez l'officieuse La Roche,a je n'ai osé sortir, de crainte que son père ne me vît. Aussi ne suis-je ici qu'en tremblant; mais comme je suis en habit de voyage, et que mon maître veut rentrer aujourd'hui dans la maison paternelle, je ne risque rien.

NÉRINE.

Je t'avoue que, dans tout ce discours, je n'aime point cette madame La Roche.


a Voyez ci-dessus, p. 72.