<92>Prodiguent aux humains la faveur de leur être;
Leur hauteur est pour eux, leurs rayons sont pour nous.
Vous, farouches mortels, de vos biens plus jaloux,
Chiches de vos talents et de votre assistance,
Répandez ainsi qu'eux votre douce influence,
Brillez dans l'univers par vos soins bienfaisants,
Rendez-nous moins frappés et plus reconnaissants.
Plus d'un état heureux se trouve dans le monde;
La nature, en ses dons toujours riche et féconde,
Par des degrés divers partagea ses faveurs;
Le bonheur ne fut pas seul pour les empereurs.
Mais quelque soit la part qui nous en soit échue,
Faisons toujours du bien selon son étendue.
L'abeille, en bourdonnant, s'envole le matin,
Dans les champs, dans les bois, amasser son butin;
Et d'un miel pur et doux qu'elle filtre et sépare
Pour le peuple enruché l'aliment se prépare.
Leur travail est égal; de leurs communs accords
Résulte leur soutien, leur vie et leurs trésors.
C'est là notre leçon, c'est ainsi qu'on peut joindre
A son propre bonheur la fortune d'un moindre,
Sans avoir le pouvoir des Séjan, des Fleury,
Sans avoir les trésors des Bernard,a des Du Lis.11
Un état modéré suffisamment engage
Tout zélé citoyen d'en faire un bon usage.
Dans un cercle étréci son cours est limité;
Mais il peut dans ce cercle exercer sa bonté,
Protéger l'innocent, soulager la misère,
Et répandre alentour son ombre salutaire,
11 Juif très-riche de la Haye.
a Voyez t. I, p. 110, et ci-dessus, p. 54.