<97>Bizarrement courber leurs branches tortueuses;
Vois ces droits orangers égaux et façonnés,
De leur feuillage épais leurs rameaux couronnés :
L'emblème des premiers te dépeint l'ignorance;
L'image des seconds te marque la science.
Esprits appesantis, automates pesants,
Idiots avilis, presque privés des sens,
On voit revivre en vous ce roi grand et superbe
Qui, dégradé par Dieu, rampait et broutait l'herbe;a
Mais vous, esprits que Dieu, par générosité,
Releva d'un rayon de la Divinité,
Images du Très-Haut, agents de sa sagesse,
Je vous vois, élevés sur l'humaine faiblesse,
Sur l'aile du savoir transportés dans les cieux,
Égaler les esprits qui remplissent ces lieux.
Jadis, stupidement aux pieds d'un crocodile
On voyait prosterné tout un peuple imbécile;
Le singe même, objet d'un culte scandaleux,
Inspira du respect aux superstitieux.
Ici, le front tondu, sous le froc et l'étole,
Mystiquement obscur, un prêtre fait son rôle,
Et, marmottant d'un air de vrai magicien
Quelques vieux mots latins, pieux comédien,
Montre, sous un gâteau, le Dieu que l'on adore;
Le mortel aveuglé saintement le dévore,
Et pense renfermer dans son corps limité
L'Éternel, qui remplit toute l'immensité.
L'immortelle science est, pour l'homme qui l'aime,
L'organe tout-puissant de son bonheur suprême;
L'aveugle et sombre erreur devant elle s'enfuit,
a Nabuchodonosor. Voyez t. X, p. 77.