<104> laborieux, consacrant ses peines et ses fatigues au bien de la société; suivons-le ensuite dans sa famille, s'appliquant aux devoirs de père de famille, de citoyen et de chrétien : ce sera le sujet de ce discours.

Première partie.

Matthieu Reinhart n'était jamais désœuvré; il avait tant d'ouvrage, qu'à peine il pouvait y suffire. Lorsque la réputation d'un habile ouvrier commence à se répandre, tout le monde s'empresse pour le faire travailler; la mode s'en mêle; les gens du monde surtout, sur qui la vogue a un empire établi, pensent ne point être du bel air, si l'ouvrier favori du public ne les fournit. Il faut alors tripler et quadrupler le nombre des élèves, il faut agrandir l'atelier, il faut avoir l'œil sur les subalternes, pour que l'ouvrage réponde à l'opinion qu'on en a prise; et ce n'est que par des peines inouïes que l'on soutient cette première fleur de réputation si difficile à conserver. L'activité laborieuse de ce bon citoyen lui faisait devancer l'aurore pour servir le public; et il ne discontinuait ses soins que longtemps après ces heures que le reste du monde consacre au repos, à l'inaction, et souvent à la débauche. Vils fardeaux de la terre, hommes fainéants ou dissipés qui passez vos coupables jours dans des maisons de jeu à ruiner vos familles, à scandaliser votre prochain, à perdre votre santé dans la crapule et dans le débordement, vous vivez, vous vivez, dis-je, et je pleure celui dont la vigilance et dont le travail infatigable a été si utile, non à un simple particulier, mais à tous ses compatriotes, et même aux étrangers. Mais la charitéa m'interdit de pousser plus loin mes plaintes et mes tristes réflexions; ce n'est point à nous à choisir les victimes de la mort, c'est à celui qui est maître souverain de la vie et du destin des hommes, c'est au Créateur à disposer des créatures, et à nous de nous écrier avec saint Paul : O profondeurs de


a Sa charité. Variante de l'exemplaire de la Bibliothèque royale, p. 6.