<122> aimait les lois, les prévenait par ses actions également équitables et droites; il ne craignait point les magistrats si redoutables aux pervers, mais il leur était soumis et obéissant. Sa probité reconnue, qui lui attirait tous les cœurs, faisait que communément l'on confiait des dépôts à sa garde; cette fatalité qui a tant d'influence sur les événements voulut que des personnes qu'il ne connaissait pas déposassent chez lui quelque somme et des effets de toute espèce; l'événement prouva que ces malheureux étaient des filous qui avaient confié leur vol à sa garde.a Les magistrats apprirent, en saisissant les voleurs, l'endroit où ils avaient caché ces effets; on les saisit. Mais comme cet homme pieux était trop connu par sa dévotion, on ne le soupçonna pas même d'être recéleur, et la justice, qui comprit que des méchants avaient abusé de sa bonne foi, ne fit point de procédures contre lui; mais ce vertueux artisan s'offrit à réparer de son bien toute la somme dérobée, dont les scélérats ne lui avaient apporté qu'une partie. Depuis ce funeste accident, il devint plus circonspect, et ne prodigua plus ses services aux inconnus.
Il était un vrai zélateur de sa patrie; il la considérait comme sa mère; c'était pour elle qu'il élevait ses enfants; pour elle il contribuait, autant que sa condition le lui permettait, à la faire fleurir. S'il arrivait que quelque étranger étourdi et plein de suffisance s'avisât de parler avec dérision de quelques coutumes ou de quelques usages du pays, lui, qui était si doux et si humain, aurait été capable de se battre avec l'indiscret qui avait ainsi aventuré ses décisions. On a vu accourir ce bon citoyen à tous les incendies; et quoiqu'il ne fût point obligé de s'y trouver, il y était des premiers, il saisissait courageusement une échelle, et montait aux endroits où l'embrasement était le plus violent; et là, environné d'ondes enflammées, agitées par le vent, on le voyait, infatigable à éteindre le feu, abattre les matières com-
a Qui avaient volé dans le voisinage ce qu'ils avaient confié à sa garde. L. c., p. 21.