<16> agités l'éveillent de cette douce léthargie. Bénissez, bénissez la paresse des hommes; ne la troublez point; que son règne doux et bénin se perpétue. L'homme, hélas! est trop méchant, cruel et féroce; il se porte si rarement au bien, qu'il serait à souhaiter que son inaction fût éternelle. En effet, quels ont été les plus grands fléaux de la terre, si ce n'est ces âmes actives, inquiètes autant qu'entreprenantes? Cet Alexandre tant vanté et tant décrié, qui troubla la Grèce et bouleversa l'Asie, qui porta ses conquêtes aux plus lointains climats, et fonda sa grandeur sur les débris des trônes dont il avait précipité les possesseurs légitimes, Alexandre, dis-je, n'eût pas commis ces injustices, ni répandu tant de sang, si son âme n'eût manqué de force d'inertie. Ce fut la vigilance et l'activité de César qui perdit la république romaine; plus actif que Pompée, il le vainquit, et, en usurpant le pouvoir suprême, il opprima la liberté de sa patrie. Qu'était-ce que Timur, Gengis-Kan, Alaric, Attila, que des esprits dévorés d'ambition, des âmes agitées des passions les plus violentes, qui s'anéantissaient dans le repos, et qui n'existaient que dans le trouble? Chefs de peuples barbares et féroces, ils inondaient de leurs guerriers la surface de notre globe, en traînant avec eux le ravage et la destruction. Il est peut-être superflu d'ajouter que Mahomet, Soliman, les papes Grégoire le Grand et Hildebrand, Charles-Quint, les Guises, Louis XIV et Charles XII méritent d'être rangés dans la même catégorie. Tout le cœur de l'homme est corrompu, tant ses malheureuses inclinations l'incitent au vice. Que son activité devient funeste au genre humain! que sa fainéantise lui est favorable!
Mais les malheurs qui affligent notre globe ont plus d'une cause. Nous nous plaignons avec raison de la fougue effrénée des ambitieux; toutefois l'activité fanatique des solitaires ne nous a pas été moins nuisible. Combien de reclus n'ont pas soufflé l'esprit de discorde et de superstition! Ils ont armé en silence des bras crédules du glaive sacré de l'autel, pour en égorger leurs frères. Je ne vous rappelle ni Samuel,