<166>nait de me donner; nous nous séparâmes, et nous nous promîmes de nous revoir.
LETTRE QUATRIÈME.
Le père Bertau vint le lendemain chez moi, et je lui demandai d'abord s'il était de la même espèce des bonzes que l'on avait chassés du Portugal. Il me répondit que oui, en ajoutant : Hélas! on a chassé ces bons pères de leur sainte retraite par une cruelle injustice. A ce mot, le feu me monta au visage. Quoi! vouliez-vous, mon père, que le roi de Portugal se fît assassiner par ces faquins de bonzes? lui dis-je. - Il valait mieux, dit le père, être assassiné pour le bien de son âme que de chasser ces pieux religieux. - Quelle affreuse maxime, mon père! Comment, ajoutai-je, peut-elle cadrer avec ces livres de morale que vous m'avez fait lire? - Très-bien, repartit-il; selon l'avis du père Bauni,a de Sanchezb et de quelques-uns de nos plus célèbres casuistes, il faut tuer les rois lorsqu'ils sont tyrans. - Ah! Confucius, Confucius, m'écriai-je, que diriez-vous, si vous entendiez de telles horreurs? Qu'heureux est ton empire, sublime empereur, qu'une religion qui tolère et pratique ces exécrables maximes ne soit point établie sous ta domination!
Depuis cette conversation, je pris le père Bertau en aversion, et ne voulus plus vivre avec lui. Je me trouvai le lendemain dans une société de prêtres, car tout est prêtre dans ce pays-là, dans l'espérance de devenir lama un jour. Le Portugais s'y trouva aussi. Je fus
a La Somme des péchés qui se commettent en tous états, par le P. Baptiste Bauni, jésuite français, parut en 1634, et a été réimprimée plusieurs fois.
b Auteur du livre De Matrimonio (voyez t. XI, p. 245). Il a écrit de plus les ouvrages suivants : Opus morale in praecepta Decalogi, sive Summa casuum conscientiae. Coloniae Agrippinae, MDCXIV, fol.; Consilia, seu Opuscula moralia. Lugduni, MDCXXXV, fol.