<171> on fait la guerre à un prince du Nord. - Mais cela est incompréhensible, lui dis-je. - La liaison de cette affaire serait trop longue à vous expliquer, repartit-il; mais ne savez-vous pas que, lorsque l'on a des maux de tête, on se fait saigner du pied? - Et la tête et les pieds, qu'ont-ils à faire avec la politique? Ne vous moquez pas de moi parce que je suis Chinois.
Pendant que nous raisonnions, le grand lama s'était retiré. Nous nous promenâmes encore dans le temple pour en examiner les beautés; c'est sans contredit le plus beau monument de l'industrie humaine. Tandis que le Portugais m'en faisait admirer tous les détails, un bonze de sa connaissance s'approcha de lui, et lui demanda qui j'étais; et en apprenant que j'étais Chinois, il me considéra avec attention, en répétant souvent : Il est vrai qu'il a l'air bien chinois.a Et comme il s'aperçut que je savais quelque peu d'italien que j'avais appris des jésuites géomètres de Ta Sublimité, il m'accosta, et me demanda si j'étais baptisé. Je lui dis que je n'avais pas cet honneur. Il me demanda encore si je n'en avais peut-être pas d'envie. Moins que jamais, repartis-je, après ce que j'ai vu et ce que j'ai entendu. - Ah! que je vous plains, mon beau monsieur! C'est bien dommage, mais vous serez damné; la grâce vous a conduit dans des lieux où elle pouvait se répandre sur vous, vous y résistez, votre erreur est volontaire, vous serez damné, monsieur, vous serez damné. Je pris la liberté de lui demander s'il croyait que Confutzé aurait un même sort. Peut-on en douter? reprit mon bonze. - Ah! lui répondis-je, j'aime mieux être damné avec lui que sauvé avec vous. Et nous nous quittâmes.
Tu vois, sublime empereur, combien tout diffère de l'Europe à l'Asie; leur religion, leur police, leurs coutumes, leur politique, tout me surprend; beaucoup de choses me paraissent inconcevables. Je ne saurais encore juger si c'est que mes vues sont trop bornées, ou qu'en
a Voyez t. XIII, p. 44.