<185>pire, forte de plus de trente-cinq mille hommes. Les Autrichiens, qui savent que le roi de Prusse, quoique leur ennemi, est le premier à rendre justice à leur valeur, ne s'attendaient pas que ce prince osât les attaquer. Il l'a cependant fait; il a forcé les Autrichiens à abandonner la ville importante de Torgau, à repasser l'Elbe, à se retirer derrière la ville de Dresde, à faire une marche de onze milles qui leur a bien coûté du monde, enfin à lui céder toute la Saxe, à la ville de Dresde près.
C'est ici où Votre Révérence va voir tous les prestiges de l'enfer, toutes les ruses de Satan, et enfin tous les stratagèmes les plus diaboliques de l'esprit malin.
Ce fut le trois du mois de novembre, à deux heures après midi, que le Roi engagea cette fameuse bataille, contre le consentement de son magicien, qui, connaissant toute l'étendue de la puissance de la toque et de l'épée papales, assura le Roi qu'il serait repoussé. Cela ne manqua pas d'arriver, et la cour de Berlin, dans la relation qu'elle a publiée, convient que les Prussiens, malgré leur intrépidité, furent repoussés avec beaucoup de valeur par les Autrichiens dans les deux premières attaques. Mais cette même relation assure que la troisième réussit si bien aux Prussiens, que ce ne fut ensuite qu'une déroute totale des Autrichiens, qui abandonnèrent le champ de bataille, repassèrent l'Elbe pendant la nuit, et laissèrent la ville de Torgau, avec les magasins qui étaient dedans, aux Prussiens, qui s'en rendirent les maîtres à la pointe du jour, et y firent encore beaucoup de prisonniers, outre les huit mille qu'ils avaient pris le jour de la bataille.
Quoique le fond de ce récit soit véritable, les circonstances sont entièrement changées et falsifiées. La cour de Vienne a donc eu raison de publier dans les gazettes que les Autrichiens avaient gagné la victoire, et que les Prussiens n'avaient obtenu les avantages qu'ils avaient eus qu'au milieu de la nuit, et lorsqu'on ne pouvait plus dis-