« <4> voix. »a Que ce passage est long pour ceux dont toute la vie n'est qu'un péché! Où serait, mes frères, la justice divine, si les froides atteintes de la mort, rendant aux éléments les premiers principes dont notre corps est composé, détruisaient l'homme en entier; si cet être qui nous anime et qui pense, si ce principe actif et vivant de nos actions souffrait le même sort que la matière, et se trouvait, si j'ose m'exprimer ainsi, accablé et enseveli sous les mêmes ruines? O Dieu! quelle serait votre justice d'avoir créé un monde auquel vous avez donné des lois, et d'y souffrir que ceux qui les accomplissent vivent dans l'indigence, dans le mépris, qu'ils souffrent les persécutions, que souvent ils languissent dans les fers, et soutiennent les plus cruels martyres, confesseurs de votre nom et de vos vérités célestes, tandis que les calomniateurs et les bourreaux se trouvent dans la prospérité et souvent dans cette élévation suprême qui égale sur terre, autant que la prodigieuse disproportion le permet, la condition humaine à la condition divine? O mon Dieu! où serait votre justice, si tant de bonnes actions ignorées ou perdues, si tant d'actes de générosité voilés avec autant de modestie que pratiqués avec ferveur, demeuraient sans récompense; si tant de crimes cachés avec autant de soin que commis avec malice, si tant de passions aussi violentes que secrètes, et qui n'ont manqué que d'occasion pour paraître au grand jour, demeuraient impunies?

Voilà cependant, mes chers frères, ce que nous voyons tous les jours. La vie de la plupart des hommes n'est proprement que l'histoire des crimes. Le bonheur des méchants paraît justifier le vice; et si tout se bornait à cette vie mortelle, le chemin de la vertu, hérissé de ronces et d'épines, ne mènerait qu'à l'accablement et au mépris. Mais non, grâce à la providence et à la justice de l'Être suprême, tout a son terme, tout a ses bornes. Il voit prospérer les méchants, et il rit de leur vaine prospérité; il voit gémir son peuple, mais c'est par ces souffrances mêmes que, l'attirant à lui, il lui prépare un bonheur


a Saint Matthieu, chap. XXIII, v. 37.