<50> C'est par de telles ruses perfides que le démon, en désertant le ciel, parvient à peupler l'enfer, qui est son royaume. Mais faites surtout attention au rapide progrès que ses tentations font sur les cœurs innocents. Il gagna la cadette des sœurs, comme la moins expérimentée, et l'épousa pour le malheur de la pauvre fille. L'auteur sacré entend sous le nom de cette jeune épouse le peuple juif, qui, oubliant les bienfaits infinis qu'il avait reçus de Dieu, et tous les prodiges et les miracles qu'il avait faits en faveur de cette nation, sacrifia à de faux dieux, c'est-à-dire, à des démons, et donna dans toutes les idolâtries païennes. C'est avec cette profonde théologie et ce grand sens que notre auteur sacré nous enseigne ces sublimes vérités. La jeune fille quitte sa maison paternelle pour se marier à Barbe-bleue. Les Juifs quittent le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, pour Baal-Péora et d'autres dieux que l'enfer avait vomis sur terre. On commence par être tiède, on devient indifférent; on oublie Dieu, on s'engage dans le péché, on s'y embourbe; enfin, l'on ne peut plus s'en retirer, et l'homme est perdu, du moment que la grâce efficace l'abandonne. Un esprit de vertige s'empare de ses sens; il touche au bord du précipice sans connaître l'abîme qui va l'engloutir. La nouvelle mariée, qu'une funeste erreur aveugle, ne voit pas que son mari a une barbe bleue. C'est ainsi que, emportés par la violence de nos passions, nous ne nous apercevons pas de la difformité monstrueuse des vices. Le pécheur vogue sans boussole et sans gouvernail, et devient le jouet des tempêtes impétueuses qui brisent enfin son frêle navire. « A peine Barbebleue est-il marié, qu'il entreprend un voyage de six semaines, pour vaquer à de certaines affaires, en priant sa femme de se bien divertir dans son absence. » C'est que le démon, non content d'une prise, toujours agissant pour le malheur des hommes, cherche sans cesse une nouvelle proie. « En partant, Barbe-bleue donne à sa femme la »
a Nombres, chap. XXV, v. 3; Deutéronome, chap. IV, v. 3; Josué, chap. XXII, v. 17; Osée, chap. IX, v. 10.