VII. LETTRES AU PUBLIC.[Titelblatt]
<70><71>LETTRE AU PUBLIC.
J'ai toujours aimé vos goûts, et j'ai respecté vos fantaisies; je connais l'insatiable curiosité que vous avez des nouvelles, et j'ambitionne de vous servir. Vous êtes ennuyé de ces faits ordinaires que vous racontent deux fois par semaine ces petits ministres que vous entretenez en Europe; il vous faut du singulier et des nouvelles surprenantes. Vos ministres vous en donnent quelquefois d'incroyables, quoique sans doute véritables; mais cela ne suffit pas; vous aimez dans la politique les choses secrètes. Ce même penchant se trouve en moi, avec un grand fonds d'adresse pour les découvrir, ce qui me met à portée de vous instruire de ce qui se traite à présent de plus caché dans une certaine cour. Vous comprenez, sans que je vous l'explique, que, dans notre jargon, certaine cour signifie celle de Berlin. Je tiens ces nouvelles de la première main; ce ne sont point des on dit, ce sont des faits bien constatés. J'ai découvert des choses étonnantes; je vous les confie d'autant plus volontiers, que votre sagesse et votre discrétion m'est connue, et que ce secret restera entre nous deux.
Tremblez pour le repos de l'Europe; nous touchons à un événement qui peut renverser l'équilibre et la balance des pouvoirs que nos pères ont si sagement établis. C'en est fait du système de l'abbé de Saint-Pierre;71-a jamais on ne pourra le réaliser. J'ai appris qu'il s'est tenu, il y a quelques jours, un grand conseil à la cour, où ont assisté<72> tous les notables; il s'y est agité une chose aussi importante qu'on en ait connu de mémoire d'homme. Un musicien d'Aix en Provence envoie deux menuets qu'il a mis dix ans à composer, et demande qu'ils soient joués au carnaval. Ceci paraîtra frivole à des esprits superficiels; mais nous autres politiques, qui entendons finesse à tout, et qui poursuivons les conséquences jusqu'à leurs dernières conclusions, nous sommes trop profonds pour traiter cette affaire en bagatelle. Cette prétention, mise en délibération, partagea le conseil; il y eut un parti pour les menuets, et un autre que formèrent les opposants. Ceux qui étaient pour les menuets ont soutenu qu'on devait les jouer pour encourager par cette distinction ceux qui veulent du bien à une certaine puissance, dont le nombre malheureusement n'est pas trop grand. Les opposants répliquèrent que c'était contre la gloire de la nation de faire jouer des menuets étrangers, lors même qu'on en faisait tant de nouveaux dans le royaume; à quoi les autres répondirent que ces menuets pouvaient être bons, quoique faits ailleurs, et que des amateurs des arts devaient avoir plus d'égard à la science qu'à la patrie, ou au lieu d'où les menuets leur étaient venus. Ces raisons ne persuadèrent point les opposants, et ils soutinrent que ces menuets devaient être traités comme de la contrebande. Les menuétistes se récrièrent beaucoup contre cette décision, et s'efforcèrent de démontrer qu'en cas qu'on traitât des menuets étrangers de contrebande, on autoriserait par là les autres nations à prohiber de même toutes les productions que leur fournissait la Prusse; que gêner le commerce, c'était le perdre; et qu'enfin les autres puissances ne souffriraient pas de sang-froid qu'on se donnât les airs d'exclure leurs menuets des danses et des fêtes. Sur quoi leurs antagonistes s'échauffèrent, en soutenant qu'il fallait toujours sacrifier l'intérêt et toute autre considération à la gloire; que c'était contre la dignité d'une cour de danser après d'autres sons que ceux de chez soi; que les menuétistes étaient des novateurs qui voulaient introduire dans le pays<73> des usages étrangers; qu'il ne fallait jamais se départir de ses vieilles coutumes, fussent-elles même mauvaises; et qu'enfin ces menuets corrompraient les mœurs; ce qui échauffa si fort la dispute, que tout le monde parla en même temps, que chacun voulait avoir raison, que les moins emportés préludaient sur les grosses paroles, et qu'enfin on fut obligé de dissoudre le conseil. Le lendemain, il se rassembla pour reprendre les mêmes délibérations. L'enthousiasme avait diminué pendant cet intervalle, et il s'était formé un parti pacifique. Ces esprits conciliants proposèrent, pour contenter tout le monde, de permettre qu'on jouât le menuet qui était en mineur, à l'exclusion de l'autre; mais, quoique ce tempérament ne fût pas reçu, parce qu'il était raisonnable, cela ne les empêcha pas de hasarder une autre proposition, qui fut de jouer les menuets sans les danser. Ceci fut rejeté avec une majorité de voix considérable, et l'on assure qu'il y a à présent sous presse une espèce de manifeste où l'on expose les raisons qu'on a eues de ne point faire exécuter les menuets. Cette démarche pourra avoir des suites de la plus grande conséquence. Comme cela peut intéresser l'Europe, et surtout votre curiosité, je serai attentif à m'informer de ce qui se traitera ultérieurement. Il est certain que la cour est fort occupée de cette affaire, ce qui est fort naturel quand on réfléchit à son importance : un menuet peut devenir une chose grave. Combien d'exemples de ce genre ne pourrais-je pas vous citer! Une coiffure que la reine Anne d'Angleterre marchanda, et qui fut achetée par mylady Marlborough, rompit cette formidable association de souverains qui faisaient la guerre à la France, et causa la paix que la reine Anne fit en 1713.73-a Une révérence que César oublia de faire aux sénateurs qui s'assemblaient au temple de la Concorde détermina Brutus à conspirer contre lui. Une pomme ne fut-elle pas la cause de tous les malheurs qui arrivèrent à la postérité des premiers habitants du paradis terrestre? Vous m'avouerez qu'un menuet vaut bien une<74> coiffure, une révérence ou une pomme; il n'y a qu'à attendre, et nous verrons à quoi il pourra donner lieu.
Je suis encore trop retenu en vous écrivant, à cause que c'est la première fois de ma vie que je prends cette liberté; mais je vous promets, à la première occasion, de ne m'en pas tenir aux conjectures ordinaires, et d'en hasarder de plus merveilleuses, de plus vagues, et avec plus d'effronterie, s'il est possible, que vos petits ministres, dont la monotonie et l'insipidité commencent à vous ennuyer. Si les nouvelles de cet ordinaire ne piquent pas votre curiosité, je vous en promets d'aussi romanesques et de plus bizarres à l'avenir.
P. S. Dans ce moment j'apprends que les autres cours ont pris parti dans l'affaire des menuets, et qu'elles vont faire à la nôtre en conséquence les représentations les plus sérieuses. Le reste l'ordinaire prochain.
<75>SECONDE LETTRE AU PUBLIC.
La grande affaire qui nous occupe s'embrouille de jour en jour davantage. Les incidents que nous avons prévus sont en partie arrivés; on ne voit que des courriers qui vont et qui viennent; cependant rien ne transpire de leurs dépêches. L'ambassadeur de Fez a présenté un mémoire à notre ministère; sa cour s'intéresse vivement pour la musique d'Aix en Provence, et ce mémoire porte en termes exprès que le roi de Fez regardera le refus qu'on fera de la jouer comme un affront fait à sa personne dans celle de ses alliés. L'ambassadeur de l'hospodar de Valachie a joint ses représentations sur le même sujet, et il a ajouté que son maître serait obligé de faire cause commune avec la ville d'Aix pour soutenir l'honneur de ses menuets, surtout depuis qu'il avait établi à Arcim75-a une académie de musique française.
Jusqu'à présent toutes représentations ont été infructueuses; notre cour persiste dans sa résolution, et il paraît qu'elle veut pousser cette affaire à l'extrémité. Tout le monde a été surpris de cette inflexibilité; mais on cesse de l'être depuis qu'on est informé à n'en pas douter que la cour a été encouragée dans sa roideur par l'alliance défensive qu'elle vient de conclure en secret avec la république de Santo-Marino. Salomon a bien eu raison de dire que tout se découvre enfin, car il n'y a rien de caché à notre pénétration : alliances, traités, conventions secrètes, nous approfondissons<76> tout; on devine une partie, on apprend quelque chose, on y ajoute ses conjectures, et à la fin on sait les traités comme si on les avait faits. Vous serez bien étonné de trouver ici l'article secrétissime de cette alliance nouvellement conclue; mais voici comment il est tombé entre nos mains. L'ambassadeur de Santo-Marino, en dînant l'autre jour chez l'ambassadeur des Treize Cantons, laissa tomber de sa poche l'article secret du traité, en tirant son mouchoir; l'article fut aussitôt ramassé, et nous avons été assez heureux pour nous le procurer. Qu'un ambassadeur doit être circonspect, et qu'il est dangereux pour lui de tirer un mouchoir de sa poche! Voici cet
ARTICLE SECRÉTISSIME.
De plus, Sa Majesté Prussienne s'engage que si, en haine de cette alliance présentement conclue, la sérénissime république de Santo-Marino allait être inquiétée par de mauvaises sérénades ou par des chaconnes à elle désagréables, Sa Majesté lui fournira à ses frais et dépens un vaisseau de cent canons, et quatre frégates qu'elle tiendra toujours prêtes dans son port de Halberstadt pour le service de ladite république; et au cas que des vents contraires ou d'autres conjonctures fissent préférer des secours pécuniaires, on évaluera cette escadre à la somme de quatre cents livres, payables dans la sorte de monnaie dont le gazetier de Cologne fut payé, il y a dix ans, et dont la république pourra faire un usage merveilleux envers ses ennemis. En revanche, la sérénissime république de Santo-Marino s'engage de faire cause commune avec la Prusse dans tout ce qui concerne l'affaire des menuets; et malgré l'ancienne alliance qui subsiste avec ladite république et la ville d'Aix depuis le temps de Pierre de Provence et de la belle Maguelonne, et par laquelle elle a garanti à ladite ville la paisible possession de sa musique, la république de Santo-Marino tient ces engagements pour nuls. Bien entendu qu'elle se croit maîtresse <77>d'expliquer sa parole comme il lui plaît, de prendre en même temps des engagements contraires selon son bon plaisir, et d'invalider ses anciens traités lorsqu'il lui prend fantaisie d'en faire de nouveaux. Elle promet à Sa Majesté Prussienne de tenir prêt son contingent, pour qu'il soit à portée d'être employé lorsque le casus fœderis l'exigera. Ce contingent consistera en trois ménétriers et en trois vivandières; et au cas que Sa Majesté Prussienne trouvât plus convenable de convertir ce secours en argent, la sérénissime république payera, du moment où la guerre sera déclarée, un subside annuel d'un sequin et demi, quatre sols, dix liards.
NB. Les secours seront prêts des deux côtés pour partir au plus tard trois mois après que la réquisition leur en sera faite, et au cas que ces secours ne soient pas suffisants, Leurs Hautes Puissances contractantes s'engagent d'en doubler le nombre. Cet article séparé sera tenu secrétissime, et il aura la même force que le traité général. On s'engage en outre d'inviter les autres puissances amies à accéder à cette alliance.
Le traité général ne paraît pas encore; mais comme il est fait pour être communiqué à tout le monde, nous vous assurons d'avance que ce n'est pas la peine de le lire. La quintessence du poison, le venin subtil et délicat est tout renfermé dans cet article secret, et c'est ce qui vous le fera savourer avec délices. L'ambassadeur de Fez, qui se trouvait au repas où cet article secret fut perdu, en a tiré copie sans perte de temps, et l'a envoyé par son joueur de guitare, qui joue un grand rôle à Fez, immédiatement à sa cour; et comme toutes les circonstances d'une affaire pareille à celle-ci sont importantes, nous ne devons pas omettre que le courrier avait l'omoplate gauche convexe, et qu'il montait un cheval cravate.
Ce grand événement ouvre un vaste champ à nos conjectures. Si la guerre survient, la ville d'Aix, le roi de Fez et l'hospodar de Vala<78>chie pourront fortifier leur alliance de celle de Chouli-Kan le Très-Juste, qui a fait aveugler son oncle et ses frères, schah de Perse présentement régnant; ou, en cas qu'il se trouve trop occupé aux guerres intestines qui déchirent son beau royaume, ils pourront s'unir avec le Grand Mogol ou avec l'empereur du Japon; ils pourront tirer de ces pays-là des chameaux et des éléphants véritables. Il est impossible qu'une certaine cour résiste à tant de forces réunies, et l'on doit espérer que l'heureux jour viendra où nous la verrons succomber sous le poids de ses ennemis. Quelle joie n'aurons-nous pas de ces événements tant attendus! Que vos fabriqueurs de nouvelles vont être contents de voir enfin accomplir leurs prophéties, et qu'ils auront d'obligations aux deux menuets dont l'un est en mineur!
Cependant les fêtes et les bals vont ici leur train ordinaire; la cour ne pense qu'à se divertir, et vit dans cette sécurité qui précède les grandes catastrophes. Mais nous qui voyons plus loin que notre nez, et qui sommes fins au superlatif, nous annonçons, comme la malheureuse Cassandre, que la mesure est comblée, que les jours de deuil sont arrivés, que, malgré la sérénissime république de Santo-Marino et celle de Lucques même, on verra ici dans peu un essaim de barbares qui vengeront les menuets d'Aix en Provence, qui brûleront la musique qu'on appelle celle du bon faiseur d'opéra; qu'on verra de véritables éléphants fouler l'orchestre à leurs pieds; que, pour comble de malheurs, ce peuple barbare convertira la voix de ces messieurs qui chantent le dessus sur nos théâtres en affreuses voix de basse; que les vierges qui desservent ces mêmes théâtres avec tant de pudeur seront violées; et qu'on n'entendra pour toute harmonie que les menuets d'Aix, dont l'un est en mineur.
Au cas que cette prophétie ne s'accomplisse pas à la lettre, nous soutiendrons ce contre-temps avec effronterie, et nous ne laisserons pas de prophétiser. Pour messieurs nos compagnons, qui, comme nous, se mêlent de lire dans l'avenir, nous leur conseillons de pro<79>phétiser les événements passés, s'ils ne rencontrent pas les événements futurs, ou d'étendre leur prophétie au delà de cent ans.
Nous apprenons dans ce moment que l'ambassadeur de Fez a pris la colique, et qu'il veut se faire électriser au gros orteil. Un fameux médecin assure que son mal provient d'une réplétion d'injures; son chirurgien prétend que c'est une maladie de politique, et qu'il a trouvé à propos de s'absenter de la cour.
P. S. Je suis obligé de vous faire mes excuses sur ce que mon style n'approche point de l'élégance et de la noble hardiesse de celui de vos correspondants. J'étudie sans cesse dans vos archives pour atteindre à ce point de perfection; je commence à m'approprier leurs phrases. Je me servirai incessamment de certaines épithètes fortes, nerveuses et pittoresques : par exemple, cet hospodar sans foi, sans loi, désignera celui de Valachie, ce prince perfide et traître vous fera connaître le roi de Fez, et je ferai des efforts pour me rendre par mon application plus digne de vos bontés et de votre confiance. Le reste l'ordinaire prochain.
<80>TROISIÈME LETTRE AU PUBLIC.
Lettre du comte Rinonchetti, premier sénateur de la république de Santo-Marino, au baron de Zopenbrug,80-a ministre de Sa Majesté Prussienne.
Monsieur,
Nous avons appris avec autant de surprise que d'indignation qu'une espèce de faiseur de gazette a écrit des choses insolentes sur le sujet de notre sérénissime république, et que cet ouvrage scandaleux s'est imprimé et se vend dans la capitale du Roi votre maître.
Jusqu'à présent aucun écrit, aucune gazette datée de Berlin n'a blessé personne; il nous est connu d'ailleurs que Sa Majesté Prussienne punit sévèrement les libelles qui touchent les particuliers. Nous sommes donc d'autant plus étonnés de voir qu'on ait permis l'impression de l'ouvrage qui donne lieu à nos plaintes, et nous osons espérer que le Roi votre maître ne souffrira pas que, dans ses États, un particulier insulte des souverains. Nous nous flattons qu'elle daignera faire châtier le misérable qui vient de nous offenser si grièvement. Il imprime des traités et des articles secrets; il semble même qu'il nous<81> traite en ridicule. Cela n'est en vérité pas soutenable, et il nous faut une satisfaction éclatante. Il est vrai qu'il y a en Europe quelques États plus puissants que le nôtre; mais doit-on nous mépriser parce que nous ne sommes pas les plus forts? Cependant ma sérénissime république sait se faire respecter en Italie; nous avons résisté seuls et sans alliés aux artifices du cardinal Alberoni, aux canons et excommunications de l'Église, et à tous les efforts de nos ennemis; nous avons découvert leurs intrigues, détruit leurs projets, combattu pour notre liberté, et nous nous sommes maintenus. Ces actions, si elles s'étaient passées à Berne, à Venise ou à Amsterdam, seraient-elles plus glorieuses que s'étant passées à Santo-Marino? Rome dans son origine ne fut pas même ce que nous sommes à présent; le luxe n'a point corrompu l'austérité de nos mœurs; on voit chez nous des vertus antiques; notre frugalité et notre union soutiennent notre État. Nous n'avons de précieux que notre liberté et notre réputation; ce n'est ni à un malheureux gazetier ni à quelque puissance que ce soit sur la terre à nous ravir ce bien inestimable. Nous espérons que Sa Majesté ne souffrira pas plus longtemps qu'on nous offense, et que, roi, elle embrassera la cause d'une république souveraine. Nous nous flattons, monsieur, que vous appuierez par votre grand crédit nos justes représentations, et que vous procurerez à ma sérénissime république la satisfaction qu'elle attend de l'équité du Roi votre maître. J'ai l'honneur d'être,
Monsieur,
etc., etc.
<82>Réponse du baron de Zopenbrug, ministre d'État de Sa Majesté Prussienne, au comte Rinonchetti, premier sénateur de la république de Santo-Marino.
Monsieur,
Dès que j'eus reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, j'en ai fait mon rapport à Sa Majesté. Vous pouvez être persuadé, monsieur, que tout le monde condamne ici hautement les particuliers qui, par leurs écrits, osent offenser les souverains. Depuis le pape et l'Empereur jusqu'à l'évêque de Constance et au prince de Zipentzerbst,82-a il n'est aucun souverain que le public ne doive respecter; qu'il soit puissant ou faible, allié ou ennemi, cela n'y fait rien, et la bienséance exige qu'en faisant mention d'eux, ce soit toujours dans des termes convenables. Les grands princes s'honorent dans leurs semblables; s'ils souffrent chez eux qu'un particulier insulte une autre puissance, c'est oublier ce qu'ils se doivent à eux-mêmes. Depuis un certain temps l'abus de la presse a été poussé jusqu'au scandale; des particuliers ont eu à se plaindre de la méchanceté des auteurs, et il y a eu plus d'une puissance qui a été offensée par ces sortes de gens qui compilent des nouvelles pour vivre, qui débitent plus de mensonges que de vérités, et qui s'érigent en Arétins de notre siècle. Mais, monsieur, personne n'ajoute foi aux choses qu'ils débitent, et à force d'en imposer grossièrement au public, ils ont décrédité leurs nouvelles. On n'a pas attendu que votre sérénissime république ait porté ses justes plaintes des nouvelles clandestines qui se sont débitées ici; on a d'abord interdit l'ouvrage, avec une défense sévère à l'auteur d'écrire sans permission. Je me flatte que la magnanimité de<83> votre sérénissime république se contentera de ce châtiment; défendre de parler à un babillard ou défendre d'écrire à un cerveau brûlé, c'est la plus grande punition qu'on lui puisse faire. Nous poussons jusqu'au scrupule les attentions qu'on doit aux puissances étrangères, et jamais on ne souffrira ici que qui que ce soit leur manque de respect.
Je suis charmé que cette misère m'ait fourni l'occasion de servir votre sérénissime république et de faire connaissance avec un homme dont la réputation est aussi grande que la vôtre. C'est avec ces sentiments que je serai à jamais,
Monsieur,
etc., etc.
<84>71-a Voyez t. IX, p. 36, et t. XIV, p. 323.
73-a Voyez t. I, p. 140; t. V, p. 185 et 186; et t. VIII, p. 171 et 322.
75-a Le Roi veut dire Argis, ancienne résidence des hospodars de Valachie.
80-a Peut-être Zoppenbruch.
82-a Probablement Zippel-Zerbst.