XIV. LETTRE DE FÉLICITATION DU PRINCE DE SOUBISE AU MARÉCHAL DAUN, SUR L'ÉPÉE QU'IL A REÇUE DU PAPE.
Monsieur, j'ai appris avec bien de la satisfaction le présent que Sa Sainteté vient de vous faire pour reconnaître l'art et les talents dont vous avez donné tant de preuves. Il est triste que le saint-père se soit avisé si tard de vous faire ce présent. J'aurais bien eu besoin de toque et d'épée bénites à Rossbach, et je crois qu'elles ne vous auraient pas été nuisibles à Leuthen. Cependant il vaut mieux tard que jamais; avec une douzaine de montagnes, quelques milliers de canons et l'épée papale, vous serez, croyez-moi, invincible à jamais. Mais que peut-on faire sans épée bénite? Nos Français n'avaient pas pensé seulement à asperger les leurs; aussi a-t-on vu ce qui en est arrivé. A présent, je vous réponds qu'aucun hérétique ne vous résistera; vous n'aurez qu'à faire briller votre épée à leurs yeux, et leur armée sera dissipée à cette vue, comme on prétend qu'étaient pétrifiés ceux qui regar<135>daient l'égide de Minerve. La cour n'a pas trouvé à propos de me nommer cette année au commandement des armées; d'autant mieux pourrai-je appliquer mon attention à vous suivre dans vos manœuvres et à m'instruire par les leçons que votre conduite, soutenue de cette épée bénite, ne saurait manquer de donner à tous les généraux. Je fais des vœux plus ardents que jamais pour que nos cours cultivent soigneusement l'heureuse union qui les réunit à présent; car que deviendrions-nous, s'il fallait un jour vous combattre, et résister en même temps à votre habileté et à cette épée bénite? Je suis, avec une sincère admiration et tous les sentiments possibles d'estime, etc.
Landeshut, 13 mai 1759.