<132> neveu, monseigneur, est un jeune homme de trente ans, né et élevé dans les armes par feu M. de Beausobre son père, mort colonel au service de France. Son père le laissa lorsqu'il n'était encore qu'enseigne, mais sa capacité dans le service l'a élevé en peu de temps au grade de major où il est parvenu.
Son ambition est d'être décoré de quelque ordre militaire, et comme il ne saurait l'être en France, où sa religion l'en exclut, il s'est tourné de ce côté-ci. Il me prie d'intercéder pour lui auprès de V. A. R., afin d'obtenir l'ordre de Malte, dont Monseigneur le margrave Charles est grand maître dans les États de Sa Majesté. Les deux actes ci-joints font voir d'où il descend, et comme il est reconnu par la cour de France et par les magistrats de sa patrie pour être sorti de l'ancienne maison de Beaux, très-puissante autrefois en Provence, et dont Arnaud de Beausobre, mon bisaïeul, transporta la famille en Suisse.
Je ne doute point, monseigneur, de la généreuse bienveillance de V. A. R. Portée par le plus excellent et le plus beau naturel du monde à faire du bien, j'ose espérer de sa bonté tout ce qui conviendra à sa dignité et à sa prudence.
Si mon neveu a quelque espérance d'obtenir l'honneur où il aspire, il fera un voyage ici au printemps, ses affaires l'appelant à Paris pour tout l'hiver. Ses lettres font voir qu'il a beaucoup d'esprit. On dit qu'il est assez bien fait de sa personne, et l'amitié dont le comte de Belle-Isle l'honore est un bon témoignage de sa capacité.
V. A. R. verra sans doute avec surprise d'où un simple ministre tire son origine. Depuis que nous avons perdu les bénéfices, le ministère évangélique n'est plus que pour le peuple. Si l'abaissement où nous sommes tombés était la peine de nos forfaits, j'aurais raison d'en rougir. Mais, monseigneur, j'ose l'assurer à V. A. R., je suis la troisième victime de la religion. Un de mes ancêtres fut Albigeois,