<185> pour la mouler sur l'air de l'imagination, et pour l'asservir à la mesure des vers. Un homme aussi grave que vous, et tout géomètre en même temps, dira peut-être que c'est perdre son temps que de l'employer à toiser des syllabes. Je n'en disconviens aucunement. Mais vous m'avouerez que la versification donne lieu en revanche à bien méditer une matière, et à la considérer sous toutes ses faces. Si après cela vous trouvez encore que j'ai perdu mon temps à versifier, je n'ai plus rien à vous répondre. Peut-être trouverez-vous que c'est être bien importun que de vous dérober encore quelques moments de votre loisir ou de votre sommeil. Échappé à peine de la pénible conversation de la journée, un nouvel ennui vous attend. Je vous en demande pardon de tout mon cœur, et je vous promets même, si vous le voulez, de ne vous importuner jamais de même. Mais je vous renvoie à mon ode; il suffit qu'elle vous ennuie, je ne veux point que ma prose renchérisse sur ses droits.
ODE SUR LA FLATTERIE.a
Quelle fureur, quel dieu m'inspire?
Quel feu s'empare de mes sens?
Muse, enfin reprenons la lyre,
Cédons à ses enchantements.
Oui, je vais, nouveau fils d'Alcide,
Fier d'une valeur intrépide,
Combattre des monstres affreux,
Et porter la foudre et la guerre
A ces crimes qui de la terre
Corrompent le séjour heureux.
a Nous avons donné une autre leçon de cette Ode t. X, p. 19-24.