12. DE ROLLIN.
17 juin 1740.
Sire,
Quand ma vive reconnaissance pour toutes vos bontés ne m'engagerait pas à témoigner à Votre Majesté la part que je prends avec toute l'Europe à son avénement à la couronne, je me croirais obligé de le faire pour l'intérêt et comme au nom des belles-lettres et des sciences, que vous avez non seulement protégées jusqu'ici, mais cultivées d'une manière si éclatante. Il me semble qu'elles sont montées en quelque sorte avec vous sur le trône, et je ne doute point que V. M. ne se propose de les faire régner avec elle dans ses États, en les y mettant en honneur et en crédit. Mais, Sire, un autre objet bien plus important m'occupe dans ce grand événement : c'est la joie que je sais qu'aura V. M. de faire le bonheur des peuples que la Providence vient de confier à ses soins. Permettez-moi de le dire à mon tour, les lettres dont V. M. m'a honoré, et que je conserve bien soigneusement, m'ont fait connaître le fond de son cœur entièrement éloigné de tout faste, plein de nobles sentiments, qui sait en quoi consiste la vraie grandeur d'un prince, et qui a appris par sa propre expérience à compatir au malheur des autres. C'est un grand avantage pour V. M. d'être bien convaincue qu'elle n'est placée sur le trône que pour veiller de là sur toutes les parties de son royaume, pour y établir l'ordre et y procurer l'abondance, surtout pour employer son autorité à y faire respecter celui de qui seul elle la tient, et de qui elle a l'honneur de tenir la place sur la terre. « Les richesses, la gloire, la puissance sont en ses mains. C'est lui qui donne le conseil, la prudence, la force.a C'est par lui que les rois règnent, et que les législateurs rendent la justice.b » Qu'il lui plaise, Sire, de vous
a I Chroniques, chap. XXX, v. 12.
b Proverbes de Salomon, chap. VIII, v. 15.