<346> beaucoup de magnificence et plus de goût que je ne m'attendais à en trouver.
Il fait terriblement froid ici, mais l'air y est sain, et je ne me suis de longtemps pas si bien porté qu'à présent. Huit jours après mon arrivée, j'eus la joie inexprimable de recevoir une gracieuse marque du souvenir de V. A. R. par sa lettre no 2. J'y aurais répondu incontinent, si je n'avais pas attendu réponse à une lettre que j'ai écrite au sujet de l'Histoire du prince Eugène. Elle est arrivée comme je m'en étais flatté, et j'ai aujourd'hui la satisfaction de pouvoir donner à V. A. R. l'assurance que j'aurai dans peu l'honneur de lui en envoyer un exemplaire, quelque difficulté qu'il y ait de se procurer une copie de ce manuscrit, qui, comme on assure, ne doit jamais être imprimé.
Comme je ne puis absolument m'empêcher de faire cas de tout ce que V. A. R. aime le moins du monde, je ne dirai point non plus de mal de Mimi, ni ne lui en voudrai pour avoir essayé de livrer aux flammes l'ouvrage immortel du divin Wolff, trouvant d'ailleurs fort naturel et fort ingénieux que ce pauvre animal ait cherché à se défaire d'un papier qui empêche si souvent son cher maître de s'amuser avec lui et de prendre plaisir à ses singeries. Il me semble qu'à sa place, et avec toute ma raison, je n'aurais pu mieux raisonner, et que j'en aurais fait tout autant.
Je m'abstiens de répondre aux flatteuses expressions dont il a plu à V. A. R. de se servir en parlant de ma chétive personne, pour la remercier du désir qu'elle m'a témoigné de pouvoir me procurer une bibliothèque choisie.
Je ne finirai plus désormais mes lettres autrement qu'en conjurant V. A. R. de me conserver ses bonnes grâces et sa précieuse amitié aussi longtemps que je chercherai à m'en rendre digne, c'est-à-dire, jusqu'au tombeau, etc.