2. AU MÊME.
Cüstrin, 16 février 1732.
Mon très-cher général,
Je vous en croirais sur tout au monde, mon cher général, hormis sur le sujet des femmes, quoique je sache bien que vous les avez fréquentées jadis. Je vois néanmoins qu'une personne pour l'autre est plus heureuse, préférablement avec cette marchandise; pour ce qui regarde le reste, je persiste ferme dans mon sentiment, et il faudrait être grand philosophe pour me prouver qu'une femme coquette n'a pas beaucoup d'avance envers une dévote. Enfin, monsieur, si je dois me marier pour moi, il faut que ma femme soit selon mon idée, ou bien jamais nous ne chasserons bien ensemble. La surdité, et ce que vous m'écrivez de mon père, me chagrine véritablement, et c'est dans ces circonstances que mon cœur filial ne se dément jamais. Je l'aime véritablement, et pourvu qu'il me traite un tant soit peu passablement, je serai peut-être la personne qui lui sera la plus attachée. Je n'ai qu'à laisser agir la nature pour le lui témoigner, ce qui ne me donnera aucune peine, et n'aura pas un air gêné, non plus hardi. Je crois la prophétie de Fichmarc juste, car aujourd'hui j'ai reçu une fort bonne lettre du Roi, dans laquelle il me mande qu'il me fera venir bientôt à Berlin. Si vous avez occasion, je vous prierai de bien faire mes respects à la Reine; je suivrai, au reste, tous les avis de la lettre envoyée par estafette à pied, qui sert de réponse à celle où j'intercédais pour mon vieux monde. Au reste, monsieur, je tâcherai toujours de vous donner des preuves évidentes non seulement de ma reconnaissance, mais de l'estime et de la confiance parfaite que j'ai en vous, mon très-cher ami, étant comme je suis,
Mon très-cher général,
Votre parfait ami et serviteur,
Frideric.