10. AU MÊME.
Nauen, 10 mai 1732.
Mon très-cher général,
Vous verrez par celle-ci que je suis exact à suivre vos avis, et que le Schulz de Tremmen va être à présent le premier ressort de notre correspondance. Je vous renvoie toutes les pièces que vous avez eu la bonté de me communiquer, hormis Charles XII, qui m'attache infiniment; les particularités, jusqu'à cette heure ignorées, qu'il rapporte, la grandeur des actions de ce prince, la bizarrerie de sa fortune, jointes au style vif, brillant et fleuri de l'auteur, rendent ce livre intéressant au suprême degré. Pour ce qui regarde la lettre de Hambourg, j'avoue que cet hommea sert bien son maître et avec toute la vigilance imaginable, ce qui prouve que la plus grande qualité d'un prince est de bien choisir son monde et d'employer chacun selon son caractère naturel, en le plaçant dans un poste convenable. Alors les maîtres sont bien servis, et les serviteurs en passe de le faire. L'affaire de la succession est une chose fort intéressante, et qui fera totalement changer de face nos affaires, selon sa réussite. Je sais bien que ce ne sera pas moi qui, par l'excès de mes levées, ferai du tort à cette négociation, pourvu qu'aucun autre ne le fasse. Je vous envoie ci-joint un fragment de ma correspondance avec l'illustrissime sieur Crochet; vous verrez par là, monsieur, que nous filons doux ensemble, et que nous sommes sur un grand pied. Je suis fâché d'avoir brûlé une de ses lettres où il m'assurait que dans l'antichambre il voulait parler de moi, et que mon nom avait été nommé au lever du Roi. Ce n'est certainement pas mon ambition de choisir cet illustre mortel pour publier ma renommée; au contraire, je la croirais souillée en sa bouche, et prostituée par sa publication. C'est bien assez parlé d'un objet si méprisable, et je crois que la plus grande grâce qu'on peut lui faire,
a Le comte de Seckendorff.