<76> l'on a mis en tête à la Reine que j'étais débauché à tout excès, et il paraît qu'elle le croit. Je ne sais d'où vient que tout le monde parle tant de moi sur cela, car, à dire vrai, on a de la chair, et je ne nie point que quelquefois elle soit faible; mais, pour quelque petit péché, l'on est réputé pour le plus grand débauché de la terre. Je ne connais personne qui n'en fasse autant, et il y en a tant qui font pis, que je ne sais d'où cela vient que personne ne parle d'eux. J'avoue que cela me chagrine beaucoup, et que, si je pouvais, je serais bien fâché contre les pendards qui vont semer de telles nouvelles, quoique pourtant tout se passe sous main.
Vous voyez, mon cher ami, que je suis fort sincère, car je vous dis tout comme je le pense et comme cela est, sans vous divulguer rien. Je sais que vous avez compassion de mes faiblesses, et que vous savez bien, ou du moins que vous espérez que le temps me rendra sage. Je fais tout mon possible pour le devenir, mais je ne crois pas que Caton fût Caton comme il était jeune. Conservez-moi, en attendant, je vous en prie instamment, mon très-cher et généreux ami, votre précieuse amitié et votre assistance. Continuez à me tirer de mes peines comme vous avez commencé si dignement, et comptez sur toute l'estime et la reconnaissance qu'un honnête homme vous doit, l'ayant tiré de tant de difficultés. Je suis, etc.
Frederic.
Je vous supplie de vous informer si l'on continue à parler encore de cette façon sur mon chapitre, ou si enfin tous ces maudits bruits se sont éteints, et si le Roi est remis et mieux persuadé de moi. Sono tutto à toi.
P. S. Ce qui me donne un peu bon courage, c'est que je viens de recevoir des perdrix du Roi. J'espère qu'il n'ajoutera pas foi à tous les discours que l'on répand sur moi.