<82> ni feu ni lieu, et pour se réfugier contre les chagrins du père, ils vont se consoler chez l'âme noire du beau-père; et j'avoue que je ne conçois pas comme il est possible de refuser l'assistance possible à de pauvres infortunés qui sont innocents de leur malheur, et quand on a de quoi les enrichir sans que cela fasse la moindre peine. Mais à quoi servent toutes les belles réflexions qui n'aboutissent à rien? Néanmoins je n'oublierai jamais mon devoir envers ma sœur, et étant en partie la malheureuse source de son infortune, je la partagerai volontiers avec elle. Enfin, mon très-cher ami, vous ne saunez croire dans quelle tristesse je suis quand je pense à ces choses-là; tantôt je m'en reproche la faute, tantôt je plains ma sœur, et de quel côté je me tourne, je ne trouve pas le remède au mal.
Mais passons de ces tristes réflexions à des choses plus agréables. Je bois ici tous les jours à votre santé, et je quitte à peine mon petit coin, où un bon feu m'échauffe et où une belle pelisse me couvre; et je ne montre mon nez que quand la parade monte, ce qui ne se fait qu'à onze heures, afin que monsieur use le temps de dormir la grasse matinée; et je crois que l'on fait bien de se rendre la vie douce tandis qu'on le peut. J'ai toujours regardé le baron d'Or comme un fripon, et j'étais fort aise que le Roi soit détrompé sur son sujet. Adieu, mon très-cher ami; je suis à vous, comme le pape au diable, avec toute l'estime imaginable, etc.
Frederic.
30. AU MÊME.
Ruppin, 19 janvier 1733.
Monseigneur mon très-cher ami,
Comme j'ai ignoré jusqu'à présent dans quel endroit du monde vous êtes, mon très-cher ami, j'ai différé de vous répondre. Je suis au