XIV. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC LE COMTE DE SCHAUMBOURG-LIPPE. (26 JUILLET 1738 - 24 AOUT 1740.)[Titelblatt]
<220><221>1. AU COMTE DE SCHAUMBOURG-LIPPE.
Milan,221-a 26 juillet 1738.
Mon cher comte,
J'ai reçu avec bien du plaisir la lettre par laquelle vous me donnez avis des démarches que vous avez faites en conséquence de ce que je vous avais prié à Minden.221-b Je n'ai jamais douté qu'un galant homme comme vous manquât une occasion pour obliger ceux dont il s'est acquis l'estime, et c'est en qualité de votre ami et de votre confrère futur que je vous remercie de toutes les peines que je vous ai données. J'espère que vous ne vous repentirez point de ma réception; il dépendra de votre prudence de me nommer ou non aux députés de votre confrérie. Quant au temps, je crois pouvoir vous le dire positivement, le Roi ayant résolu d'être vers le 10 du mois prochain à Salzthal; la foire procurera un prétexte plausible aux étrangers quelconques de s'y rendre. J'aurai une double satisfaction, puisque je pourrai profiter de votre agréable compagnie, et vous posséder plus à ma propice qu'à Minden.
La Reine m'a écrit; elle confirme et ratifie tous les compliments que j'avais hasardés de sa part à madame votre mère; vous aurez la<222> bonté de le lui dire, puisque tout ce qui est contenu dans la lettre de la Reine part véritablement du cœur.
Nous irons dans quelques jours à Loo, chez le prince d'Orange;222-a je suis curieux de voir ma cousine,222-a dont la renommée public mille biens, et qui s'est acquis beaucoup de réputation par les talents de l'esprit. Tout ce que je puis vous mander d'ici se réduit à peu de chose; nous vivons en bons épicuriens, le temps se passe à manger, boire et dormir; quant à ceux qui sont initiés aux mystères de la tabagie, vous jugerez bien qu'ils emploient le vide du jour à se parfumer, ce qu'Epicure ne fit point, je pense. Ayez la bonté de me faire savoir ce qui sera résolu sur mon sujet. Ne touchez point cette corde dans la lettre que vous écrirez à Bredow; vous aurez la bonté de lui marquer qu'il s'agit de quelque grand homme.
Je suis avec une très-parfaite estime,
Mon cher comte,
Votre très-affectionné ami,
Federic.
2. AU MÊME. (Septembre 1738.)
Mon cher comte,
Je profite du départ du capitaine Wylich222-b pour vous réitérer les assurances de ma parfaite estime; je lui ai intimé, pour cet effet, de passer par Bückebourg et de vous remettre ma lettre en mains propres. Je voudrais, s'il se pouvait, vous inculquer mon souvenir d'une manière si sensible, qu'il vous fût presque impossible de m'oublier;<223> c'est à ce dessein que j'ai fait faire cette bague, que je vous prie d'accepter. Elle vous rappellera les traits d'un ami et d'un confrère de l'ordre respectable des francs-maçons, et qui vous conserve une reconnaissance infinie de ce que vous l'avez fait recevoir.
Me voici dans un endroit assez retiré du grand monde, m'entretenant beaucoup avec les auteurs de la belle antiquité et avec un petit nombre des modernes; je compose quelquefois en musique, et quelquefois la danse me dégourdit les jambes.
Je me flatte de vous revoir le printemps prochain; je m'en flatte déjà, n'en étant pas trop certain.
Madame votre mère sera, à ce que j'espère, entièrement rétablie de son indisposition.
Je suis avec une estime parfaite,
Mon cher comte,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.
3. AU MÊME.
R., 12 octobre 1738.
Mon cher comte,
J'ai reçu avec bien du plaisir la musique que vous avez eu la bonté de m'envoyer; elle me paraît belle et profonde, et quand même elle ne le serait pas, elle aurait toujours un mérite qu'on ne saurait lui ôter, qui lui vient de son compositeur.
Je suis dans la persuasion que les sciences et les arts ne dégradent en aucune manière les personnes de naissance qui les cultivent; il me semble au contraire qu'elles leur donnent un nouveau luslre. En<224> effet, quelle différence n'y a-t-il point entre des fainéants qui, croupissant dans la barbarie, dédaignent d'humaniser leurs mœurs par le commerce des Muses, et des hommes qui pensent et qui travaillent non seulement pour le bien de leurs semblables, mais encore pour leurs agréments! On dit que les titres de la noblesse espagnole se prouvent par la fainéantise; plus un homme est illustre, dans ces climats, et moins il est occupé. Je voudrais, pour le bien de ma nation, que ce fût le contraire chez nous, et qu'on ne fût réputé noble qu'à proportion qu'on méritât de l'être.
La musique a d'ailleurs une propriété qui l'égale à l'éloquence la plus véhémente et la plus pathétique; de certains accords touchent et remuent merveilleusement l'âme, c'est une manière de parler à l'esprit, et lorsqu'on est assez habile pour en faire usage, on peut communiquer ses passions aux auditeurs.
On exécutera un de ces jours les cantates que je tiens par votre bonté et de vos soins. J'aurai la satisfaction d'entendre vos pensées, quoique je voudrais beaucoup plus volontiers encore jouir de votre conversation; je me flatte toujours que ce sera pour le printemps prochain.
Le capitaine Wylich, de mon régiment, doit vous avoir délivré, à ce que je crois, la lettre dont je l'ai chargé; il y a près de quinze jours qu'il est parti.
Ne m'oubliez pas, mon cher comte, et soyez persuadé que ce m'est une joie inexprimable d'avoir acquis un ami de votre mérite. Ils sont trop rares pour n'en point connaître tout le prix; la seule difficulté qu'il y a, c'est de répondre de son côté.
Je suis avec toute l'estime du monde,
Mon cher comte,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.
4. AU MÊME.
R., 13 octobre 1738.
Mon cher comte,
Je suis bien aise que la bague avec mon portrait vous ait été agréable. Pourvu qu'elle soit propre à vous faire ressouvenir de moi, j'aurai obtenu le but que je m'étais proposé en vous l'envoyant; elle ne mérite aucune reconnaissance de votre part.
Je suis charmé de ce que madame votre mère se trouve mieux; cela sera très-agréable à la Reine.
Puissiez-vous avancer par une promotion absente, et recevoir vos brevets à Berlin! Je pourrais alors participer à votre joie, et vous réitérer comme je suis avec une très-parfaite estime,
Mon cher comte,
Votre très-fidèlement affectionné ami.
Federic.
5. AU MÊME.
Remusberg, 30 octobre 1738.
Mon cher comte,
Je suis ravi de reconnaître en vous des sentiments que la droite raison devrait dicter dans les cœurs de tous les hommes. La fainéantise et les occupations vaines paraissent être la légitime des gens de naissance; le génie, le travail, l'application, paraissent malheureusement ne convenir qu'à ceux qui veulent illustrer leur nom, et qui ne tiennent rien du mérite de leurs ancêtres, mais qui veulent se devoir tout à eux-mêmes. En effet, s'il y a quelque chose qui puisse dégrader un homme de naissance, c'est bien son incapacité, mais ce ne seront<226> jamais ses talents. Il est sûr qu'on ne doit point négliger les devoirs essentiels, et ce serait faire un usage punissable des talents qu'on peut avoir, si on voulait leur donner plus de temps pour les cultiver qu'on n'en donnerait aux occupations solides qui en demandent beaucoup.
Vous dites très-bien, monsieur, que, pour peu qu'on soit économe de son temps, on trouve des moments pour tout. Votre genre de vie en fait foi; ce devrait être l'exemple de tant de personnes de marque qui perdent leur temps mal à propos, et qui meurent souvent sans savoir qu'ils ont vécu. Une occupation innocente peut même être regardée comme utile et comme louable, en ce qu'elle empêche ceux qui s'y appliquent de mal faire pendant ce temps. Les sciences sont d'un grand secours pour ceux qui les cultivent; vous pouvez vous rappeler ce qu'en dit Cicéron,226-a ce père de sa patrie et de l'éloquence. « Les sciences, dit-il, sont le plaisir de la jeunesse, elles sont notre consolation dans la vieillesse, elles rendent la prospérité plus brillante, elles nous soutiennent dans nos malheurs; soit en voyage, soit chez nos amis, ou chez nous, dans la retraite, elles font en tout et partout le bonheur de la vie. » On en peut croire Cicéron sur cette matière : les sciences étaient entre ses mains une épée dont il avait mainte fois éprouvé la trempe; Cicéron en parlait avec connaissance de cause.
Vous voulez à toute force avoir de ma musique? Je ferai copier, pour vous satisfaire, une symphonie que j'ai faite il y a deux ans, que vos musiciens pourront exécuter, à ce que je pense. Je voudrais bien vous donner des marques plus réelles des sentiments d'estime et d'attachement avec lesquels je suis à jamais,
Mon cher comte,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.
6. AU MÊME.
Remusberg, 24 novembre 1738.
Mon cher comte,
Je viens de recevoir la lettre que vous me faites le plaisir de m'écrire, et pour satisfaire à mon engagement, je vous envoie une symphonie de ma composition. Je crains qu'on ne l'exécutera pas trop bien, car il faut de bons violons pour s'en acquitter. Vous pourrez cependant déchiffrer mes idées indépendamment de l'exécution.
Plus j'apprends à vous connaître, et plus je suis mortifié de n'avoir pas le plaisir de jouir de votre conversation. Parmi les hommes qui pensent, la classe de ceux qui pensent juste est très-rare; c'est la fleur de l'humanité et le chef-d'œuvre du Créateur. Ces sortes de gens ont un prix infini pour moi; je préférerais une société composée de pareils sujets aux plaisirs les plus bruyants et les plus estimés du monde.
Vous ne devriez pas, en vérité, me priver du plaisir de vous posséder le printemps prochain; j'espère que les arrangements de vos seigneurs et maîtres ne se trouveront pas directement opposés à mes petits agréments. Il n'y a que votre intérêt seul qui me fera endurer les raisons de votre absence, et j'espère que vous envisagerez ma patience sur ce sujet comme un sacrifice que l'empressement de vous voir fait à l'amitié que j'ai pour vous.
Je suis toujours inviolablement et avec une très-parfaite estime,
Mon cher comte,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.
7. AU MÊME.
Berlin, 19 décembre 1738.
Mon cher comte,
Je me flatte que la mort du général Montèze228-a va hâter votre promotion, et par là même nous procurer le plaisir de vous voir le printemps prochain. Laissez, je vous prie, régner cette idée agréable dans mon esprit, autant que vous ne verrez pas d'impossibilité morale qui en combatte l'accomplissement. Je suis ici depuis huit jours, mais je serais très-embarrassé de vous mander la moindre nouvelle intéressante.
Si je savais que ma symphonie ne vous ait pas déplu, je pourrais vous en envoyer encore une; je n'en ai fait que deux, à cause qu'elles ne me sont pas d'un usage aussi fréquent que les concerts pour la flûte.
Je suis avec tous les sentiments de la plus parfaite estime,
Mon cher comte,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.
8. AU MÊME.
Berlin, 1er janvier 1739.
Mon cher comte,
Vous aurez la symphonie que vous me demandez, dès qu'elle sera transcrite. Je voudrais qu'elle pût vous parler au cœur comme elle vous touchera les oreilles, et que ces accords pussent vous exprimer tous les sentiments d'estime que j'ai pour vous.
<229>Si vous vous intéressez à ma destinée, je ne m'intéresse pas moins à la vôtre; je ne saurais vous faire un meilleur souhait que, jouissant du contentement de l'esprit et de la santé du corps, vous soyez toujours le même, et que, indépendamment de l'absence, vous me conserviez toujours votre amitié.
Le Roi a pris une espèce de sciatique assez violente, qui, pour mon malheur, fixe mon étoile errante sur le pavé de Berlin. Je me flatte que cette indisposition cessera bientôt, après quoi je volerai à ma retraite cultiver le champ étroit et ingrat que j'ai reçu de la nature. Si les bonnes intentions, si l'amour de l'humanité, si le travail laborieux d'un solitaire peuvent être utiles à la société, j'ose me flatter de n'y point être compté pour un membre oisif et inutile; mais s'il se trouvait, au contraire, qu'un misérable individu comme moi, enfermé dans une sphère d'activité très-étroite, malgré toutes ses bonnes intentions, ne pourrait rien effectuer pour la réalité des avantages de cette société, je me trouverais déçu étrangement de mon attente, et apprécié à ma juste valeur; je ne serais qu'un fainéant illustre, qui n'aurait pas même le mérite si connu de l'abbé de Saint-Pierre.229-a
Il me reste encore une petite lueur d'espérance pour ce printemps; je me flatte encore, sans trop de fondement à la vérité, de vous revoir et de vous embrasser, vous priant de me croire avec bien de l'estime,
Mon cher comte,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.
9. AU MÊME.
Berlin, 29 janvier 1739.
Mon cher comte,
L'approbation que vous donnez à ma symphonie m'est d'un prix bien flatteur; si j'étais capable de vanité, je crois que j'en prendrais à présent. Être approuvé par des ignorants n'est pas un grand avantage, car, si leurs louanges inspirent de l'orgueil, leur ignorance est comme l'antidote qui rabaisse aussitôt ces premiers sentiments; c'est la lance d'Achille,230-a qui fait le mal et le guérit. Mais s'entendre applaudir par une personne de goût, par un connaisseur, par un ami dont on se persuade qu'il est au-dessus de la flatterie, c'est, mon cher comte, l'épreuve la plus difficile qu'ait à soutenir l'amour-propre. J'espère cependant que vous ne me ferez pas tourner la tête pour cette fois; mais, pour éviter à l'avenir un hasard semblable, je vous prie de vouloir ajouter à vos approbations quelques grains de critique, qui seront comme le contre-poids de vos suffrages, en cas que je les mérite à l'avenir.
Vous allez donc recueillir en Hollande ces fruits que la fortune fait mûrir pour vous si lentement? Je vous souhaite toute la satisfaction imaginable dans l'absence que vous allez faire; en vous abandonnant à la Hollande pour cette année, je me réserve l'espérance pour la suivante, comme Alexandre se la réserva pour la conquête du monde.
Ne vous laites point, je vous prie, une trop grande idée de Remusberg. C'est une retraite, c'est un lieu d'étude, où règne l'amitié et le repos. Tout y est fort simple; nous y fuyons l'extraordinaire et le brillant. Vous y seriez toujours reçu à bras ouverts, en qualité d'homme de mérite et d'esprit, en qualité de frère franc-maçon; et, sous les auspices sacrés de l'amitié, je vous compte comme citoyen<231> d'un endroit que j'ai voué à l'amitié, comme saint Louis son royaume à la Vierge.
Une indisposition m'a empêché de vous répondre plus tôt; n'en soupçonnez point d'autre cause, et faites, je vous prie, un fond certain sur les sentiments d'amitié, d'estime et de considération avec lesquels je suis à jamais,
Mon cher comte,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.
10. AU MÊME.
Remusberg, 15 février 1739.
Mon cher comte,
Des indispositions continuelles m'ont empêché de vous répondre à la dernière lettre que vous m'avez fait le plaisir de m'écrire. A présent que ma santé reconvalescente me donne du répit, j'embrasse ce moment pour vous remercier du concert que vous avez eu la bonté de m'envoyer. On l'exécutera ce soir; j'ai examiné les parties, qui me paraissent fort justes, et la composition très-pure. Je me vois enfin de retour ici, où je suis comme séquestré hors du inonde, dans une solitude où les grands hommes de l'antiquité et les savants modernes me tiennent compagnie. Le triage est tout fait; on n'a pas besoin de choisir longtemps, car ce qu'il y a eu de réprouvable dans l'antiquité s'est perdu dans la foule, et n'est point parvenu jusqu'à nous.
Je ne suis point un homme, mon cher comte, ni à cent mille ducats, ni à mille pistoles, ainsi que le cabinet curieux dont vous me<232> parlez surpasse mes forces. Si le propriétaire voulait permettre qu'on choisît quelques bustes, en ce cas, j'en achèterais quatre que je nommerais; mais s'il veut se défaire de tout son cabinet à la fois, il faut qu'il s'adresse à des personnes plus opulentes que je ne le suis.
Adieu, mon cher comte; ma faiblesse m'empêche de vous en dire davantage. Je me réserve à une autre fois d'être plus prolixe, vous priant de me croire avec une estime parfaite,
Mon cher comte,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.
11. AU MÊME.
Remusberg, 11 mars 1739.
Mon cher comte,
Je suis infiniment reconnaissant de la part que vous prenez à ma santé. Elle a été assez languissante depuis l'attaque violente que j'ai eue à Berlin de crampes d'estomac; je me remets un peu à présent, quoique petit à petit, et si j'en dois croire la Faculté, je regagnerai dans peu mes forces et ma santé.
Voici un détail qui n'est excusable qu'entre amis, et qui est importun et de trop à tout autre qui le lirait. Je renonce à ces bustes et à ce cabinet dont vous m'avez parlé; c'est une marchandise dont le prix ne s'accorde aucunement avec mes finances. On peut être heureux sans les bustes de Socrate et de César; mais on ne peut être content parfaitement lorsqu'on est privé du plaisir de revoir ses amis.
Vous voilà à la Haye, et en passe d'être revêtu d'une dignité nou<233>velle. Je vous en fais mes compliments d'avance; mes vœux les ont précédés de beaucoup sur tout ce qui pouvait vous être agréable.
Je vous prie de m'écrire combien de temps vous croyez vous arrêter en Hollande; j'espère que votre séjour n'y sera pas de durée. Je ne saurais vous mander aucune nouvelle d'ici, car nos jours sont tous jumeaux, ils se ressemblent parfaitement. Je vous prie de me croire avec une estime infinie,
Mon cher comte,
Votre très-affectionné ami.
Federic.
12. AU MÊME.
Ruppin, 4 mai 1739.
Mon cher comte,
Je sens qu'un ami sincère doit préférer le bien et la gloire de son ami à sa propre satisfaction. Je renonce donc à vous posséder pour celte année; mais je n'y renonce que conditionnellement, et je me réserve l'espérance pour le printemps prochain.
Nous sommes ici occupés à rendre hommes des créatures qui n'en ont que la figure. Législateurs militaires, nous n'en sommes pas moins chargés de l'art de conduire les hommes. C'est une étude continuelle de l'esprit humain, et dont le but tend à rendre des âmes très-gros-sières susceptibles de gloire, à réduire sous la discipline des esprits mutins et inquiets, et à cultiver les mœurs de gens dissolus, libertins et scélérats. Tout ingrat que paraît ce travail, on le fait avec plaisir; ce fantôme qu'on appelle la gloire, cette idole des gens de guerre, anime et encourage à rendre une troupe déréglée capable d'ordre et<234> susceptible d'obéissance. On voit des campagnes, des sièges, des combats en perspective, et l'imagination, échauffée sur ces objets, vous peint des victoires, des trophées et des lauriers. Je souhaite que nous puissions partager un jour cette gloire et ces lauriers si difficiles à gagner; je le souhaite de tout mon cœur; il me semblera même qu'ils me seront plus précieux, si c'est en si bonne compagnie qu'on pourra les cueillir.
Je suis avec une très-parfaite estime,
Mon cher comte,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.
13. AU MÊME.
Remusberg, 26 septembre 1739.
Mon cher comte,
J'ai couru le monde234-a d'une manière peu philosophique depuis quelques mois. Je ne regretterais point les fatigues, quoique assez violentes, de ce voyage, mais je regrette la correspondance de mes amis négligée, et mon étude interrompue. Vous me faites grand plaisir, mon cher comte, de me fournir l'occasion de continuer notre correspondance; votre modestie seule peut vous faire soupçonner qu'elle m'importune. Je vous prie de vous en désabuser, et d'être très-persuadé que tout ce qui me vient de vous me fait un plaisir infini. Vous savez d'ailleurs réchauffer la froideur d'une correspondance par mille choses que la plupart des personnes de naissance ignorent; vous fournissez toujours nouvelle matière, de sorte que l'embarras ne se trouve que de mon côté. Je me flatte cependant que c'est une amitié<235> réciproque qui est le fondement de notre correspondance, et lorsque le cœur y est intéressé, l'esprit n'est jamais à sec; on trouve mille choses à dire, et l'on en supprime encore mille autres pour ne point être trop prolixe.
Vous me demandez des nouvelles de ma santé, qui est à présent beaucoup meilleure qu'elle ne l'a été; mes incommodités se sont presque entièrement passées, et j'espère, moyennant quelque régime, de pouvoir jouir d'une santé assez ferme. Voilà un détail que j'aurais épargné à tout autre, mais que je me suis cru obligé de vous faire, afin de vous montrer, jusqu'en ces bagatelles, la confiance que j'ai en votre amitié.
Je suis avec une estime parfaite,
Mon cher comte,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.
14. AU MÊME. (Octobre 1739.)
Mon cher comte,
J'ai été bien aise d'apprendre de vos nouvelles et de voir que vous n'oubliez pas vos anciennes connaissances. J'ai augmenté, depuis que je vous ai écrit, le nombre des St.235-a qui se saluent par trois fois trois, de sorte que nous composons ici une assemblée assez nombreuse. Pour les affaires politiques, il paraît qu'elles prennent une allure assez singulière; il semble qu'une paire d'oreilles anglaises235-b vont<236> allumer le flambeau de la guerre en Europe. Heureux seront ceux que les Français ne duperont point! Je souhaite non seulement que vos seigneurs et maîtres ouvrent les yeux là-dessus, mais je souhaite encore que tous les grands princes de l'Europe soient également sur leurs gardes. Si l'année vingt-six236-a est l'époque où l'Europe est devenue folle, je crains que l'année quarante soit celle où il l'aille la mettre aux Petites-Maisons.
Adieu, mon cher comte; je suis avec bien de l'estime et de l'amitié,
Mon cher comte,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.
15. AU MÊME.
Berlin, 7 janvier 1740.
Mon cher comte,
Je vous suis infiniment obligé des vœux que vous daignez faire en ma faveur à l'occasion du renouvellement d'année. Je vous assure que je suis très-sensible à tout ce qui me vient de votre part, et que tout ce que vous me dites d'obligeant me servira de motif pour accomplir, autant qu'il dépendra de moi, l'idée avantageuse que vous vous faites de ma personne. Si les hommes pouvaient quelque chose sur les destins, si nos faibles vœux pouvaient quelque chose sur les résolutions éternelles et infiniment sages de la Providence, vous seriez le plus heureux des mortels. Vous savez, mon cher comte, la part que je prends à tout ce qui vous regarde, et combien je m'intéresse à votre bonheur.
<237>L'arrivée du duc de Brunswic a fait revivre la joie dans ces cantons; c'est une joie universelle dans la famille de revoir ma sœur la Duchesse, qui est adorée de tout Berlin. Nous craignons en ce moment la séparation, qui est, comme le quart d'heure de Rabelais,237-a de ces instants fâcheux et indispensables.
Adieu, mon cher comte; continuez-moi votre amitié; c'est la meilleure étrenne que vous me puissiez faire, car l'estime d'un honnête homme m'est plus précieuse que les applaudissements de mille sots.
Je suis avec une véritable estime,
Mon cher comte,
Votre fidèlement affectionné ami,
Federic.
16. AU MÊME.
Berlin, 28 février 1740.
Mon cher comte,
Kalnein237-b m'a très-bien rendu votre lettre, et il m'a assuré que votre santé était bonne, ce qui m'a beaucoup réjoui. Le Roi n'a point vu le colosse que vous lui avez envoyé, car il se trouve encore toujours incommodé, et le géant est resté à Potsdam.
Je ne sais si nous pouvons encore nous flatter de vous voir ici la<238> revue prochaine. Savez-vous bien, mon cher comte, qu'il y aura bientôt deux ans que je ne vous ai vu? Ce terme me paraît fort long; je ne sais si vous pensez de même. Toutefois il est certain que deux années, eu égard à la brièveté de la vie humaine, est autant que des siècles entiers le sont pour l'existence du monde.
Le froid excessif, joint aux inquiétudes continuelles dans lesquelles on se trouve, avaient fort altéré ma santé; je me suis cependant remis tant bien que mal, quoique ma santé n'est pas encore bien affermie. Je vous informe de ces bagatelles, puisque je ne puis vous parler que de pareils riens sur ce qui me regarde. La part que vous y prenez vous fera passer au-dessus de ce que de pareilles nouvelles ont de frivole.
Ne m'oubliez pas, mon cher comte, et soyez persuadé de l'estime et de l'amitié avec laquelle je suis
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.
17. DU COMTE DE SCHAUMBOURG-LIPPE.
Bückebourg, 10 mars 1740.
Monseigneur
La lettre dont Votre Altesse Royale m'a daigné honorer m'a donné les plus vives alarmes pour sa santé. Ce même sujet dont elle ne me parle qu'en passant, c'est celui qui seul peut m'importer. Il ne serait pas besoin de ma soumission et de mon attachement personnel pour V. A. R. pour me faire envisager tout ce qui peut altérer sa santé, abréger ses jours, comme le plus grand des malheurs; il suffit pour cela de vouloir le bien de la société humaine en général.
<239>Que je me trouve heureux, monseigneur, que V. A. R. a daigné s'apercevoir seulement qu'il y a eu déjà un temps si considérable que je n'ai point eu le bonheur de me trouver auprès d'elle! Que cette marque si éclatante de la continuation de sa protection me va rendre orgueilleux! Certes n'aurai-je rien de plus pressé que de m'aller jeter à ses pieds, si, vers le temps que V. A. R. y jugera convenable, je puis disposer de moi.
« Deux années sont, par rapport à la brièveté de nos jours, autant que des siècles entiers pour l'existence du monde. » Rien n'est plus vrai. V. A. R., sagement économe de ce temps dont elle considère si utilement la brièveté, a su trouver le moyen assuré de vivre le double des jours destinés aux mortels, en faisant un double usage des jours que la Providence lui a destinés pour le bonheur du monde, en faisant plus de bien dans un jour que d'autres n'en font dans des années entières.
Des jours employés de la sorte ne devraient-ils pas être prolongés aux dépens de ceux de tant d'autres qui valent bien moins que la moindre herbe qu'ils foulent aux pieds sur cette terre qui les porte à regret? Je fais des vœux sincères pour le prompt rétablissement de la santé de V. A. R., et suis avec une soumission très-profonde,
Monseigneur
de Votre Altesse Royale
le très-soumis, très-respectueux et très-humble,
obéissant serviteur,
de Schaumbourg-Lippe.
18. AU COMTE DE SCHAUMBOURG-LIPPE.
Berlin, 17 mars 1740.
Mon cher comte,
Votre ami n'est pas mort, ni ne périclite en aucune façon, car ma petite fièvre et mes infirmités, tant périodiques que nouvelles, m'ont très-poliment abandonné. Le beau temps et l'exercice que je me donne font sur mon tempérament tout l'effet que j'en pouvais attendre, et je me flatte que le reste viendra encore, plus que nous avancerons vers la belle saison.
Je vous parle de moi-même, puisque vous le voulez absolument, car soyez persuadé que d'ailleurs je sens plus que personne la vanité qu'il y aurait de vouloir trancher de l'important, et de croire que la perte d'un individu comme moi pourrait déranger en quoi que ce soit l'ordre de la nature, et porter quelque altération à la tranquillité de l'univers.
C'était à moi de vous faire ressouvenir de votre absence, et c'est à vous de la finir. Ce ne sera jamais aussitôt que je le souhaite, et je me persuade que, sur ce sujet, vous pourrez me trouver très-impatient, pourvu que vous ne me trouviez pas importun.
Adieu, mon cher comte; ne doutez jamais des sentiments d'estime et d'amitié avec lesquels je suis inviolablement
Votre parfaitement affectionné ami,
Federic.
19. AU MÊME.
(Mars 1740.)
Mon cher comte,
Je puis pour le coup vous donner moi-même des nouvelles de ma résurrection, à laquelle vous daignez vous intéresser. Après avoir eu une santé assez languissante tout cet hiver, et après avoir passé par ce que la médecine a de plus dégoûtant en fait de remèdes, la santé m'est revenue, et j'ai la satisfaction de vivre, et de vivre encore pour mes amis. Heureux si je pouvais leur être de quelque utilité, et que, avec un peu de santé et beaucoup d'envie de les servir, je pusse leur en donner des marques!
Je vois arriver ce que j'avais prévu, que votre séjour de Hollande me priverait du plaisir de vous voir. J'aurais grande envie de quereller la lenteur de vos flegmatiques seigneurs et maîtres. Votre promotion demandait une réflexion de bien des mois! Vous l'avez méritée depuis longtemps; vous êtes le plus ancien des généraux-majors : eh bien, pourquoi ne point achever tout de suite ce à quoi tant de bonnes raisons imitaient indispensablement? Si c'était un problème d'algèbre hérissé de calculs différentiels, alors je trouverais qu'un bon gros bourgeois d'Amsterdam ou de Delft serait assez embarrassé sur ce qu'il aurait à faire; mais la chose du monde la plus claire, la plus évidente, la récompense d'un mérite universellement reconnu, comment la différer, et pourquoi? Mais quelque génie malfaisant paraît me faire ce tour par malice; c'est lui assurément qui cause l'extraordinaire lenteur de MM. les états généraux; c'est lui qui sème votre chemin de difficultés; c'est lui qui m'envie le plaisir de vous voir. Trompez sa malignité, prenons de si bonnes mesures une autre fois, mon cher comte, que, quoi qu'il puisse arriver, nous parvenions<242> à notre but. Je me repais du moins de cette flatteuse idée, dans l'espérance qu'elle pourra peut-être s'effectuer un jour. Je suis avec une très-parfaite estime,
Mon cher comte,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.
20. AU MÊME.
Ruppin, 10 avril 1740.
Mon cher comte,
La part que vous prenez à ma reconvalescence m'est d'autant plus sensible, que je ne l'attribue uniquement qu'à votre amitié. Ma santé va assez bien à présent pour bien augurer de sa continuation, à moins que mille agitations inévitables ne la dérangent de nouveau. J'ai pris une huitaine de jours l'air à Remusberg, et je suis à présent sur le point de me rendre à la cour.
La manière flatteuse dont vous finissez votre lettre pousse mon imagination dans une perspective d'espérance d'autant plus douce, que vous en êtes l'objet; je me persuade que ce sera avec plus de réalité que passé deux ans.
Adieu, mon cher comte; conservez-moi cette amitié dont je fais tant de cas, et soyez persuadé de la mienne. Je suis à jamais,
Mon cher comte,
Votre très-fidèle ami,
Federic.
21. AU MÊME.
Remusberg, 29 avril 1740.
Mon cher comte,
J'ai bien jugé que vous prendriez part au funeste embrasement qui vient de réduire presque tout Remusberg en cendres;243-a c'est un malheur très-grand pour de pauvres bourgeois qui n'ont d'autre ressource que l'industrie, et qui n'ont pour tout bien que les maisons que le feu vient de consumer. J'ai fait dans ce cas ce que vous et tout autre aurait fait naturellement, ou que du moins tout le monde aurait été obligé de faire en pareille occasion. On commence déjà à creuser les fondements d'une nouvelle ville, et toutes les mesures sont prises pour que, l'automne prochain, il n'y paraisse plus aucuns vestiges de dévastation.
On ne parle point encore positivement de revue générale, et, à vous dire naturellement mon sentiment, il se pourrait fort bien qu'il n'y en eût point cette année. Si les choses changent, je vous en avertirai, me flattant que ce pourrait être une raison pour vous de venir ici.
Adieu, mon cher comte; ne m'oubliez point, et soyez persuadé que je suis par trois fois trois
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.
22. AU MÊME.
Ruppin, 22 mai 1740.
Mon cher comte,
Je souhaite que vous arriviez en bonne santé en Hollande, et que votre séjour n'y soit pas de longue durée. Ce sont des idées métaphysiques en amitié qui font qu'on supporte plus impatiemment l'éloignement de quelques lieues de plus, que lorsque l'on se croit plus proche de la personne absente. Enfin je sais bien qu'il me semblera vous savoir mieux lorsque vous serez à Bückebourg qu'à la Haye. Quelque part que vous soyez, je vous prie de ne jamais douter de l'estime véritable avec laquelle je suis,
Mon cher comte,
Votre très-fidèle ami,
Federic.
23. AU MÊME.
Charlottenbourg, 14 juin 1740.
Mon cher comte,
Il a plu à la Providence de changer mon sort. J'ai vu ce coup partir de loin, mais je n'en ai pas été moins sensiblement touché. Je me trouve partagé entre mes justes regrets et entre mes devoirs. J'avoue qu'il y a moins de peine à satisfaire à ceux d'un particulier qu'aux fonctions pénibles d'un roi; le bonheur d'un seul homme est beaucoup plus facile que le bonheur de tout un peuple.
Si vous avez du temps à perdre, venez me joindre sur mon<245> chemin lorsque j'irai au pays de Clèves; ce sera au mois d'août ou de septembre; et ne doutez jamais de l'amitié infinie avec laquelle je suis,
Mon cher comte,
Votre très-fidèle ami, Federic.
24. DU COMTE DE SCHAUMBOURG-LIPPE.
Varel, 23 juin 1740.
Sire,
Votre Majesté vient de me rendre le plus heureux des hommes par celle qu'elle m'a fait la grâce de m'écrire depuis son avénement au trône. Je m'intéresse avec une affection trop sincère et trop respectueuse à tout ce qui la regarde pour que je ne voie avec la plus grande satisfaction qu'elle ne veut point cette aveugle soumission que l'éclat de la royauté impose; qu'elle veut du sentiment; que, du haut du trône même, elle sait s'abaisser pour s'assurer par là même une vénération bien plus assurée, puisque c'est le cœur qui la dicte par un mouvement irrésistible.
V. M. s'est fait une constante habitude de ces vertus qui font les grands monarques. Étant née pour commander aux autres, elle s'est proposé de bonne heure de ne leur commander que pour leur être utile. Me serait-il permis de lui rappeler ce que j'ai osé lui prédire? Je n'ai rien dit que l'effet ne surpasse déjà actuellement; un tel début annonce à l'univers un roi qui fera honneur à la royauté.
Je reçois avec la soumission la plus respectueuse l'ordre que V. M. me donne d'aller me mettre à ses pieds lorsqu'elle ira au pays de Clèves; rien au monde ne m'en empêchera.
<246>V. M., qui sait, mieux que monarque au monde jamais ne le sut, s'acquérir les cœurs, s'offenserait-elle de la plénitude du mien, qui me force de la conjurer d'accepter ma maison comme un gîte sur cette route qu'elle va faire? La grandeur de la grâce que je lui demande ne m'étonne point. Je ne puis jamais assez demander à celui qui n'est né que pour rendre heureux tous ceux qui l'approchent.
Je suis avec la plus profonde soumission,
Sire,
de Votre Majesté
le très-soumis, très-respectueux, très-fidèle, très-humble et
très-obéissant serviteur.
de Schaumbourg-Lippe.
25. DU MÊME.
Aux eaux de Stadthagen, près de Hanovre, 16 août 1740.
Sire,
Votre Majesté m'ayant ordonné de me mettre à ses pieds sur sa route au pays de Clèves, je m'y étais disposé, et j'avais envoyé un gentilhomme à Saldern, par où l'on m'avait dit qu'elle passerait, pour m'informer des ordres plus précis de V. M. à cet égard, lorsque j'apprends de Minden qu'elle a pris le chemin de Baireuth. Je me vois par là dans l'incertitude pour quelle roule je me dois déterminer. J'attends les ordres de V. M., si je dois me rendre à Wésel, ou à tel autre endroit qu'elle me fera prescrire. Rien au monde ne peut égaler l'impatience que j'ai de lui rendre mes hommages de bouche, moi, qui n'ai rien de plus à cœur que de la convaincre jusqu'à la dernière mi<247>nute de ma vie du zèle et de la soumission la plus profonde avec laquelle je suis,
Sire,
de Votre Majesté
le très-humble, très-respectueux, très-soumis, très-obéissant et
très-fidèle serviteur.
de Schaumbourg-Lippe.
26. DU MÊME.
Bückebourg, 24 août 1740.
Sire,
En conséquence des ordres de Votre Majesté de me mettre à ses pieds sur sa route au pays de Clèves, j'avais envoyé un gentilhomme, ce mois, à Saldern, par où l'on disait qu'elle passerait, pour m'informer plus précisément du lieu où je devais me rendre, lorsque j'appris que V. M. prenait son chemin par Baireuth.
J'y envoyai aussitôt une estafette pour le même effet, n'ayant rien de plus à cœur que de lui témoigner mon très-respectueux empressement de lui rendre mes hommages en personne. Comme il y a déjà plus de huit jours de cet envoi, et que je n'ai point encore les ordres de V. M., je crois ma lettre retardée par quelque changement dans sa route.
L'inquiétude où je suis à cet égard ne me permet point de m'empêcher de lui adresser ces lignes, afin de supplier très-respectueusement V. M. de me faire savoir ses ordres, si c'est à Wésel, ou ailleurs, qu'elle veut bien me permettre de l'assurer de bouche de ce zèle, de<248> cette soumission et de cette vénération parfaite, et du plus profond respect, avec lesquels je serai certes jusqu'au tombeau,
Sire,
de Votre Majesté
Le très-respectueux, très-soumis, très-fidèle, très-humble et
très-obéissant serviteur,
de Schaumbourg-Lippe.
221-a Frédéric a probablement voulu écrire Moyland. Le nom de ce château royal, voisin de Clèves, est de même mal imprimé par les divers éditeurs (Milan, Mailan et Mailland) dans la lettre de Frédéric à Voltaire, du 24 octobre 1766.
221-b Il se peut que l'entrevue de Frédéric avec le comte de la Lippe ail eu lieu à Minden le 17 ou le 18 juillet; car, le 19, Frédéric continua sa route jusqu'à Wésel, et ce même jour le comte écrivit, de Stadtbagen, au baron d'Albedyll, à Hanovre, de tout disposer pour ia réception du Prince royal dans l'ordre des francs-maçons, qui devait avoir lieu à Brunswic, dans la nuit du 14 au 15 août 1738. Voyez Beschreibung der Säkular-Feier der Aufnahme Friedrichs des Grossen, Königs von Preussen, in den Freimaurer-Bund. Berlin, 1838, p. 99 et suiv., où cependant il est parlé de l'entrevue de Minden comme ayant eu lieu à Loo.
222-a Guillaume IV et sa femme, la princesse Anne, fille de George II, roi d'Angleterre.
222-b Voyez t. II, p. 143.
226-a Pro Archia poeta, ch. VII. Voyez t. VIII, p. 156 et 304; t. IX, p. 205; et t. X, p. 69.
228-a Henri de Montèze, lieutenant-général hollandais et gouverneur de Tournai, mort le 2 avril 1738.
229-a L'abbé de Saint-Pierre (voyez t. IX, p. 36, t. XIV, p. 323, et t. XV, p. 71) dit, dans son Discours sur la différence du grand homme et de l'homme illustre, 1736 : « Un homme illustre est celui qui n'a fait que des actions éclatantes, et un grand homme celui qui n'a fait que de grandes actions de vertu. » Les trois héros de l'abbé de Saint-Pierre étaient Épaminondas, Scipion et Des Cartes. Il préférait Épaminondas à Scipion; mais il mettait Des Cartes au-dessus des deux autres.
230-a Voyez t. VI, p. 81, et ci-dessus, p. 171.
234-a Frédéric fait ici allusion à son voyage en Lithuanie.
235-a Ou plutôt des SS., c'est-à-dire, des francs-maçons.
235-b Voyez t. II, p. 2.
236-a Voyez t. I, p. 179.
237-a Les anciennes biographies de Rabelais racontent l'anecdote suivante à propos du séjour qu'il fit à Lyon vers l'an 1537 ou 1538 : « L'hôtesse, craignant de perdre ce qu'elle avait fourni à Rabelais pour le dîner et le déjeuner, monte dans sa chambre toute en colère et hors d'elle-même, et lui dit d'un ton fort dur : Monsieur, vous avez mangé chez moi, commencez par me payer, et puis après nous verrons. Alors on dit que Rabelais s'écria : Voilà précisément le quart d'heure que je craignais le plus! Depuis ce temps-là, quand il s'agit de payer, on dit que c'est le Quart d'heure de Rabelais. »
237-b Charles-Erhard de Kalnein, lieutenant-colonel d'infanterie.
243-a Le 14 avril 1740. Voyez (Hennert) Beschreibung des Lustschlosses und Gartens zu Rheinsberg, wie auch der Stadt und der Gegend um dieselbe. Berlin, 1778, p. 41.