1. AU COMTE DE SCHAUMBOURG-LIPPE.
Milan,221-a 26 juillet 1738.
Mon cher comte,
J'ai reçu avec bien du plaisir la lettre par laquelle vous me donnez avis des démarches que vous avez faites en conséquence de ce que je vous avais prié à Minden.221-b Je n'ai jamais douté qu'un galant homme comme vous manquât une occasion pour obliger ceux dont il s'est acquis l'estime, et c'est en qualité de votre ami et de votre confrère futur que je vous remercie de toutes les peines que je vous ai données. J'espère que vous ne vous repentirez point de ma réception; il dépendra de votre prudence de me nommer ou non aux députés de votre confrérie. Quant au temps, je crois pouvoir vous le dire positivement, le Roi ayant résolu d'être vers le 10 du mois prochain à Salzthal; la foire procurera un prétexte plausible aux étrangers quelconques de s'y rendre. J'aurai une double satisfaction, puisque je pourrai profiter de votre agréable compagnie, et vous posséder plus à ma propice qu'à Minden.
La Reine m'a écrit; elle confirme et ratifie tous les compliments que j'avais hasardés de sa part à madame votre mère; vous aurez la<222> bonté de le lui dire, puisque tout ce qui est contenu dans la lettre de la Reine part véritablement du cœur.
Nous irons dans quelques jours à Loo, chez le prince d'Orange;222-a je suis curieux de voir ma cousine,222-a dont la renommée public mille biens, et qui s'est acquis beaucoup de réputation par les talents de l'esprit. Tout ce que je puis vous mander d'ici se réduit à peu de chose; nous vivons en bons épicuriens, le temps se passe à manger, boire et dormir; quant à ceux qui sont initiés aux mystères de la tabagie, vous jugerez bien qu'ils emploient le vide du jour à se parfumer, ce qu'Epicure ne fit point, je pense. Ayez la bonté de me faire savoir ce qui sera résolu sur mon sujet. Ne touchez point cette corde dans la lettre que vous écrirez à Bredow; vous aurez la bonté de lui marquer qu'il s'agit de quelque grand homme.
Je suis avec une très-parfaite estime,
Mon cher comte,
Votre très-affectionné ami,
Federic.
221-a Frédéric a probablement voulu écrire Moyland. Le nom de ce château royal, voisin de Clèves, est de même mal imprimé par les divers éditeurs (Milan, Mailan et Mailland) dans la lettre de Frédéric à Voltaire, du 24 octobre 1766.
221-b Il se peut que l'entrevue de Frédéric avec le comte de la Lippe ail eu lieu à Minden le 17 ou le 18 juillet; car, le 19, Frédéric continua sa route jusqu'à Wésel, et ce même jour le comte écrivit, de Stadtbagen, au baron d'Albedyll, à Hanovre, de tout disposer pour ia réception du Prince royal dans l'ordre des francs-maçons, qui devait avoir lieu à Brunswic, dans la nuit du 14 au 15 août 1738. Voyez Beschreibung der Säkular-Feier der Aufnahme Friedrichs des Grossen, Königs von Preussen, in den Freimaurer-Bund. Berlin, 1838, p. 99 et suiv., où cependant il est parlé de l'entrevue de Minden comme ayant eu lieu à Loo.
222-a Guillaume IV et sa femme, la princesse Anne, fille de George II, roi d'Angleterre.