24. DU COMTE DE SCHAUMBOURG-LIPPE.
Varel, 23 juin 1740.
Sire,
Votre Majesté vient de me rendre le plus heureux des hommes par celle qu'elle m'a fait la grâce de m'écrire depuis son avénement au trône. Je m'intéresse avec une affection trop sincère et trop respectueuse à tout ce qui la regarde pour que je ne voie avec la plus grande satisfaction qu'elle ne veut point cette aveugle soumission que l'éclat de la royauté impose; qu'elle veut du sentiment; que, du haut du trône même, elle sait s'abaisser pour s'assurer par là même une vénération bien plus assurée, puisque c'est le cœur qui la dicte par un mouvement irrésistible.
V. M. s'est fait une constante habitude de ces vertus qui font les grands monarques. Étant née pour commander aux autres, elle s'est proposé de bonne heure de ne leur commander que pour leur être utile. Me serait-il permis de lui rappeler ce que j'ai osé lui prédire? Je n'ai rien dit que l'effet ne surpasse déjà actuellement; un tel début annonce à l'univers un roi qui fera honneur à la royauté.
Je reçois avec la soumission la plus respectueuse l'ordre que V. M. me donne d'aller me mettre à ses pieds lorsqu'elle ira au pays de Clèves; rien au monde ne m'en empêchera.
<246>V. M., qui sait, mieux que monarque au monde jamais ne le sut, s'acquérir les cœurs, s'offenserait-elle de la plénitude du mien, qui me force de la conjurer d'accepter ma maison comme un gîte sur cette route qu'elle va faire? La grandeur de la grâce que je lui demande ne m'étonne point. Je ne puis jamais assez demander à celui qui n'est né que pour rendre heureux tous ceux qui l'approchent.
Je suis avec la plus profonde soumission,
Sire,
de Votre Majesté
le très-soumis, très-respectueux, très-fidèle, très-humble et
très-obéissant serviteur.
de Schaumbourg-Lippe.