16. DE ROLLIN.
14 septembre 1740.
Sire,
Je prends encore une fois la liberté de vous écrire, en vous envoyant l'édition in-quarto de mon Traité des études, qui sera bientôt suivie de celle de l'Histoire ancienne. Quelque honneur et quelque plaisir que me fassent les lettres de V. M., je ne dois pas abuser de la bonté qu'elle a de répondre régulièrement aux miennes, et je me crois obligé désormais à ménager avec plus de soin que je n'ai fait jusqu'ici un temps devenu si nécessaire et si précieux pour tout un royaume. Mes livres, Sire, seront donc mes lettres. Ils vous parleront pour moi, et quand vous lirez de belles actions de quelque grand prince, V. M. supposera, s'il lui plaît, que ce sont de ma part autant de compliments pour elle, ou du moins autant de vœux. Je les chargerai de vous bien témoigner mon respect, ma vénération, ma reconnaissance, et surtout mon tendre attachement, car cette expression me devient permise. V. M. non seulement me permet, mais m'ordonne de l'aimer toujours. Et comment pourrais-je ne le pas faire? Comment pourrais-je n'être pas vivement touché et attendri de l'effusion de cœur avec laquelle vous avez bien voulu m'écrire depuis votre avénement à la couronne? Les rois ne se piquent pas, d'ordinaire, d'avoir<268> des amis, et il est rare qu'ils en aient de véritables. L'intervalle qu'ils mettent entre eux et le reste des hommes est trop grand pour donner lieu à l'amitié, laquelle en effet suppose une sorte d'égalité. V. M. n'en use pas ainsi. Elle descend du trône jusqu'à son serviteur, et par là trouve le moyen de le mettre de niveau avec elle pour en faire son ami. Oui, Sire, je le serai toute ma vie. Mais c'est trop peu pour moi : que me reste-t-il encore de temps à vivre? Je souhaite l'être pendant toute l'éternité; cet unique vœu dit beaucoup de choses. Je suis avec des sentiments que je ne puis exprimer avec assez de force et d'énergie,
Sire,
de Votre Majesté
etc.