<197>Je suis persuadé qu'on a instruit V. M. de la dispute du marquis d'Argens avec madame la duchesse. Cette dispute a été vive, la séparation bruyante, et le raccommodement très-éclatant. Les savants et les femmes sont partagés sur la cause de cette dispute. Les uns disent que c'est la jalousie,
Ce dieu qu'on nomme Jalousie,
Qui redoute un culte étranger,
Et qu'on doit toujours ménager
Pour le repos de notre vie.
C'est ce dieu qui les a brouillés. On dit que le marquis d'Argens est amoureux, et on veut qu'il ne le soit que de sa femme et de ses livres. Il jure son grand juron qu'il ne l'est point; on ne l'en croit pas. On veut qu'il reste trois ans à Stuttgart.
Sacrifier raison et liberté,
Qui font le charme de la vie,
Aux faibles de l'humanité,
Serait-ce donc philosophie?
Lui, qui aime le séjour de Berlin, qui croit que c'est le seul qui lui convienne, ne veut s'en absenter que pendant trois semaines. Voilà la vraie origine de cette dispute. On s'est raccommodé d'une façon assez marquée. D'Argens, aux genoux de la duchesse, lui a redemandé son estime; cette entrevue a tiré des larmes des assistants. Ils ne logent cependant plus ensemble; on se voit, mais c'est avec une froideur réfléchie.
On est toujours prêt à montrer
Qu'on hait d'Argens par féminin caprice;
Le philosophe est prêt à démontrer
Que la raison veut ainsi qu'il agisse.
Leur haine est systématique, c'est là la bonne. Le marquis d'Argens travaille à une comédie sur l'Embarras de la cour; je lui ai conseillé que la scène soit dans l'antichambre de la duchesse,