<207>Après cela, je ne m'étonne point que vous m'écriviez tant de vers et si peu de nouvelles. Vous êtes plus inspiré par les neuf aimables Sœurs, protectrices des arts et des sciences, que par ce monstre aux yeux de lynx, aux oreilles de lévrier et à la chevelure de Méduse.
Amant favorisé des Grâces,
Elles vous bercent dans leurs bras;
Vous estimez plus leurs appas
Que ce monstre qui dans les places,
Aux halles et dans les villaces
Répand avec un grand fracas
Ce qu'il sait ou qu'il ne sait pas.
Tout cela fait que j'apprends peu de nouvelles de Berlin, et que je reçois beaucoup de vers; un peu de l'un et un peu de l'autre me ferait un grand plaisir. Vous ne me dites rien de toutes les sottises qui se font régulièrement et périodiquement. Vous ne m'apprenez rien de vos correspondances de savants, de mes édifices, de mes jardins, de mes amis, en un mot, de toutes les choses qui m'intéressent.
Tous les divers événements
Du grand théâtre politique
Ressemblent à ces changements
Que fait la lanterne magique.
Marquez-en donc vos sentiments;
Du moins, d'une sempiternelle
Contez-moi les égarements;
L'histoire de la bagatelle
Par vous reçoit des agréments,
Car tout ce qu'on nomme nouvelle
De la demeure paternelle
A du charme pour les absents.
Vous me croyez peut-être trop occupé pour penser à mes amis; mais vous devez sentir qu'ils vont de pair avec les plus grandes affaires.