<25> fleurs que les autres ont eu soin de cultiver. C'est, en abrégé, le plan que je me suis fait de cette étude; il faut se connaître soi-même, et j'ai su me dire que je n'ai ni le génie d'Émilie ni l'esprit universel de Voltaire pour embrasser de si vastes connaissances. Je me contente, en un mot, madame, de glaner sur vos pas, et je me dis sans cesse :

C'est en vain qu'au Parnasse un téméraire auteur, etc.a

Les persécutions suscitées au digne Voltaire m'affligent véritablement. La France devrait conserver soigneusement le loisir précieux que ce digne auteur voue avec tant de générosité, aux dépens de sa santé même, au bien et à l'instruction du public. Cet homme aurait eu des statues au Capitole, on l'aurait déifié au Lycée; peut-être aurait-il occupé la place de Jupiter, s'il était venu au monde dans ce temps où l'admiration pour le mérite allait jusqu'à la superstition. Je suis sûr que M. de Voltaire aura pleine satisfaction au sujet de l'indigne Desfontaines; le procédé de ce fripon est trop insolent pour échapper à la vengeance des magistrats, et l'indignation publique doit, en cas d'injustice, tenir lieu à M. de Voltaire de la satisfaction la plus éclatante.

Thieriot est inexcusable dans sa conduite; mais, madame, il ne fallait pas prendre Thieriot pour ce qu'il n'est point et pour ce qu'il ne sera jamais. Il n'a pas la fermeté d'âme qu'on exige de lui, et la question se réduirait à savoir si Thieriot manque par malice ou par faiblesse. Je vous assurerais bien que ce n'est point par malice; vous le connaissez, madame, et vous savez qu'il n'a ni assez d'esprit ni assez de méchanceté pour être malicieux. Quel intérêt pourrait le porter à préjudicier à M. de Voltaire? Aucun. M. de Voltaire est son bienfaiteur; c'est, de plus, son idole, il lui rend un hommage continuel, ne pensant que d'après lui, et ruminant, si je puis m'exprimer ainsi, les pensées que M. de Voltaire a déjà digérées. Thieriot a, de


a Boileau, Art poétique, chant I, vers 1.