<28>Mais quittons les figures. Vous remarquez vous-même, je m'en assure, qu'on fait une grande perte quand on manque l'occasion de vous voir. J'en fais la triste expérience, et il semble que le sort me prépare le destin de Tantale; il vous expose, pour ainsi dire, à ma vue, pour augmenter mes désirs et ma curiosité, et en même temps il me met dans l'impossibilité de me satisfaire. Je ne pourrais faire un meilleur usage de mon crédit et de mes amis qu'en les employant pour vous. Ma volonté sera toujours la même, et il ne dépendra que de l'occasion de la réaliser. Je suis, etc.
11. A LA MÊME.
Remusberg, 15 avril 1739.
Madame,
Les chagrins du digne Voltaire m'ont été extrêmement sensibles. Je suis tout de feu pour mes amis, et tout ce qui les regarde me touche autant que si cela me regardait personnellement; je n'aime point les amis qui se tiennent comme ces tranquilles Euménides de l'opéra lorsque leurs amis ont besoin de leur secours. Aussi vais-je m'intéresser pour le digne Voltaire, sans qu'il m'en ait sollicité; j'écrirai, pour cet effet, par l'ordinaire prochain au marquis de La Chétardie,a et je ferai jouer tous mes ressorts pour rendre le calme à un homme qui a si souvent travaillé pour ma satisfaction.
Il faut que Voltaire se contente de mépriser ses ennemis; c'est en vérité toute la grâce qu'il leur peut faire. Il se rabaisserait trop en se mettant en compromis avec eux, et sa plume est trop noble pour
a Voyez t. XVI, p. 140, 160, 207 et 401.