<350> livre de ses mains, et combien ne crieraient pas alors les théologiens, les politiques, les puristes même! Un roi écrire un poëme de six chants, oser fabriquer un ciel, critiquer librement la terre; un Allemand rimer en français! C'est trop à la fois braver de prétendus ridicules, et je ne me sens point la résolution d'affronter aussi ouvertement l'empire des préjugés. Je ne me pardonne cet ouvrage que par le peu de moments que j'y ai donné, et par la persuasion où je suis de n'avoir cherché qu'à m'amuser sans intéresser personne; mais vous conviendrez que l'on sera fort éloigné d'entrer dans tous les motifs de mon indulgence. Je m'en rapporte au zèle que je vous connais pour moi, pour juger des conséquences, et je me confie entièrement à l'amitié du Roi votre maître pour tolérer un manque de complaisance que je ne me permets que par une prudence qui, j'espère, aura son approbation. Soyez persuadé qu'il ne faut pas moins que des raisons aussi fortes pour m'empêcher de vous montrer dans cette occasion combien vous avez lieu de compter sur ma bienveillance et sur mon estime. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait, monsieur, en sa sainte et digne garde.

Federic.

2. AU MÊME.

Emden, 15 juin 1751.a

Je vois bien, mon cher Sacripant,b que vous conservez le caractère d'ambassadeur à Étampes; il faut bien que ce caractère soit indélébile.


a Cette lettre porte, mais par erreur, la date de 1754 dans les Mémoires du marquis de Valori, t. II, p. 334.

b Nom d'un des héros du Roland furieux de l'Arioste, que Frédéric donnait au marquis de Valori.