100. A M. JORDAN.
Znaym, 8 mars 1742.
Cher Jordan, si je voulais vous faire un détail de tout ce qui se passe ici, je serais bien occupé, car nous avons de l'ouvrage autant que nous en pouvons supporter. Je ne saurais vous parler de l'avenir, il est très-incertain; tout ce que j'en sais, c'est que nous avons de la besogne devant nous, et que, assurément, le bâtiment n'est pas encore totalement élevé.
L'orgueil des Autrichiens me paraît le précurseur de leur ruine. Cette ruine nous coûtera, mais elle ne s'ensuivra pas moins. Je crois à présent Berlin le séjour de l'ennui et des femmes. J'imagine qu'il y a de quoi désespérer un honnête homme d'y être, et que ceux qui s'en trouvent éloignés doivent des actions de grâces à la Providence.
Je vis fort philosophiquement, je travaille à l'infini, je m'amuse autant que je le puis, et, du reste, je ne pense qu'à me réjouir. Je t'en<170> souhaite autant de tout mon cœur, et prie Dieu d'avoir le cher Jordan en sa sainte garde.