2. AU MÊME.

Emden, 15 juin 1751.350-a

Je vois bien, mon cher Sacripant,350-b que vous conservez le caractère d'ambassadeur à Étampes; il faut bien que ce caractère soit indélébile.<351> Vous avez des espions chez moi, vous savez ce que je fais, et vous formez des prétentions sur mes ouvrages. Un Florentin sorti fraîchement de l'école de Machiavel n'en ferait pas davantage. Vous voulez que je vous envoie mes rapsodies, et, par cet ascendant que vous avez toujours eu sur moi. vous m'obligez d'y souscrire. On va donc vous remettre incessamment mon essai sur l'histoire de Brandebourg, que j'ai corrigé et augmenté avec beaucoup de soin, et qui, indépendamment de mes peines, ne vaut pas grand' chose. Votre curiosité sera mal payée : vous y trouverez peut-être des traits trop hardis; votre orthodoxie sera peut-être scandalisée de ce que j'ai jeté le masque de l'hypocrisie. Je n'ai à ceci que deux mots à vous répondre : j'ai voulu être vrai, et j'ai plutôt écrit ces misères pour m'amuser que pour plaire. Si à Étampes on se souvient de Berlin; si certain gros marquis n'a point effacé de sa mémoire des amis qui lui veulent mille biens, et qui s'intéressent autant qu'ils peuvent à sa félicité, je le prie de me compter de ce nombre, et je le prie de ne point m'ôter l'espérance de le revoir un jour. Adieu.

Federic.


350-a Cette lettre porte, mais par erreur, la date de 1754 dans les Mémoires du marquis de Valori, t. II, p. 334.

350-b Nom d'un des héros du Roland furieux de l'Arioste, que Frédéric donnait au marquis de Valori.