<110> Il est étonnant que l'âge ne corrige point de la folie, et que cet homme, si estimable par les talents de l'esprit, soit aussi méprisable par sa conduite. Il y a ici un chevalier Masson, venu de France, qui paraît aussi sensé que nombre de ses compatriotes qui l'ont précédé m'ont paru fous. Il est lettré, et semble avoir du fonds; je ne le connais pas assez pour en juger avec certitude. Mon opéra attend votre retour; vous lui servirez de Lucine, pour que le sieur Tagliazucchi en accouche heureusement. J'y ai mis toute la chaleur dont je suis capable; mais la chaleur de nous autres auteurs septentrionaux ne passerait que pour glace en Italie. Adieu. Je compte que ce sera la dernière lettre que je vous écrirai, ou je prendrai vos mois pour des ois prophétiques du grand prophète Daniel.a
Fr.
93. DU COMTE ALGAROTTI.
Venise, 17 mai 1754.
Sire,
J'ai fait après Pâques une petite tournée à Vérone pour me remettre en train de voyager. Je comptais, Sire, aller au lac de Garde, qui, dans la belle saison, est l'endroit le plus délicieux de l'État de Venise; mais, la saison étant encore trop rude, j'ai été à Mantoue revoir les bâtiments de Jules Romain, dont je pourrai apporter à V. M. quelque esquisse, et de là j'ai été à Parme, où j'ai vu le Corrége, et n'ai point vu l'Infant, qui était à la chasse. Au retour de mon petit voyage, j'ai trouvé à Padoue la lettre dont V. M. m'honore. Je suis charmé d'entendre que Maupertuis jouisse d'une santé parfaite. Il me mande que les turbots et les soles de Saint-Malo l'ont tout à fait remis. Il est
a Voyez ci-dessus, p. 33.