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17. DE MADAME DE CAMAS.

Magdebourg, 20 novembre 1762.



Sire,

Rien ne pouvait mieux réjouir mon cœur et mes yeux que la gracieuse lettre et la charmante tabatière que je viens de recevoir. V. M. ne doute certainement pas de ma reconnaissance; mais ne me trouvera-t-elle pas trop impertinente d'oser me souvenir qu'elle me donna, il y a plusieurs années, une boîte de tabac d'Espagne, et qu'elle eut la bonté de me dire qu'elle m'en donnerait quand j'en aurais besoin? J'ai si bien ménagé, en n'en prenant que le matin en me réveillant, que j'en ai encore, mais si peu, si peu, que je tremble d'en voir la fin. Or, il me sera impossible de mettre du gros vilain tabac dans cette jolie tabatière. Je ne me sers ni de rouge, ni de mouches, encore moins de pilules, qui ne servent qu'à me brouiller avec mon bon ami Lesser quand il veut que j'en prenne, et qu'il me dit tout crûment que, quand on est gourmande et paresseuse, il faut prendre médecine. Je lui allègue mille raisons pour n'en rien faire, et il me quitte en riant et en haussant les épaules. Mais, pour quitter le chapitre de ma vieille carcasse, je dirai à V. M. que c'est à moi que je dois appliquer la fidélité dont mes jolis petits chiens sont l'emblème; je dois la joindre au parfait attachement et à la reconnaissance que je lui dois. Non, Sire, rien n'égalera jamais la vivacité de mes sentiments à cet égard. C'est V. M. qui me fait vivre, et qui me soutient dans l'état où je suis encore malgré mon âge.

Schönhausen est enchanté et plein de reconnaissance pour la porcelaine qu'elle lui destine; enfin V. M. a le don de faire des heureux. L'on met le plus haut prix à tout ce qui vient de sa main, et quand elle n'aurait, comme elle le dit, que l'honneur, la cape et l'épée, avec une bonne provision de gloire, que la modestie l'a empêchée d'ajouter,