<256> sainte, je me flatte de l'espérance de revoir ce Gotha que vous rendez célèbre, qui est devenu le temple de la plus sublime vertu, le temple de l'amitié, où vous vous plaisez à la cultiver avec une personne estimable, et où vous avez daigné m'en donner, à moi indigne, tant de preuves. Voilà, ma chère duchesse, le commentaire de mes autres lettres. Peut-être que, en qualité de votre dévot, j'ai pris un style trop mystique; peut-être que toutes les matières contentieuses et abstruses d'un traité à digérer ont communiqué la teinture de leur verbiage à ma plume. Enfin, ma chère duchesse, l'enthousiasme s'émancipe quelquefois. L'on doit me pardonner si je célèbre avec vivacité ceux qui m'honorent de leur amitié, vu que, depuis sept années, je n'ai eu affaire qu'à des ennemis qui avaient conjuré ma perte.
J'ai vu ici les représentants de ces ennemis, qui ont échangé les ratifications. La figure de M. Collenbach ne ressemble pas trop à la colombe qui apporta à défunt M. Noé la branche d'olive dans son bec; cependant il a été très-accueilli de tout le monde, car en vérité la paix fait un plaisir général à tout le monde.
Nous commençons à évacuer la Saxe; cependant tout ce mois se passera presque avant que tout soit vidé. Je ne pourrai partir que le 15 de ces environs pour me rendre en Silésie. En attendant, ma divine duchesse, je ferai des vœux pour votre prospérité et pour votre conservation. Votre admirable caractère a fait de trop profondes impressions dans mon cœur pour que je ne vous sois pas attaché pour la vie, et que je ne cherche pas avec empressement les occasions de vous témoigner la haute considération et l'estime avec laquelle je suis,
Madame ma cousine,
de Votre Altesse
le très-fidèle cousin et serviteur,
Federic.