<278> ce miracle, que la sainte Vierge de Czenstochow deviendrait jalouse du bruit de vos merveilles. Mais nous autres calvinistes, nous y allons si uniment, que nous ne relevons pas seulement les choses extraordinaires qui frappent nos sens, en étonnant nos oreilles. Cependant, madame, après l'épreuve que je viens d'en faire, vous me permettrez de vous invoquer toutes les fois que la goutte m'assaillira. Je dirai : Duchesse secourable, princesse surnaturellement douée des faveurs du ciel, guérissez-moi. Cette petite oraison ne se fera pas en vain, et, après ce que je viens d'éprouver, ce n'est pas à moi de manquer de foi.
La commission que vous me donnez, ma chère duchesse, de mettre à la raison la cour impériale exigerait bien un autre miracle. Nous nous sommes battus durant sept ans entiers à outrance, sans rien avancer par là; mais, si vous vouliez user de ce pouvoir que vous avez exercé si efficacement sur ma main, je ne doute pas que vous ne parvinssiez à resserrer l'ambition des tyrans germaniques dans une sphère plus étroite. Nous sommes à présent assez joliment ensemble, en apparence; mais le diable n'y perd rien, et je ne voudrais pas qu'une occasion favorable se présentât à nos ennemis, car sûrement ils ne la négligeraient pas. Il y a un reste de levain dans les cœurs, qui servira, quand il aura fermenté, d'aliment à une nouvelle guerre. Pour moi, je ne compte pas de la voir; mes yeux seront probablement fermés à la lumière lorsque le cas en existera. Mais cela ne manquera pas d'arriver. Cependant jouissez, en attendant, des douceurs de la vie, ma chère duchesse, et traitez l'avenir avec la même indifférence que le passé qui a précédé le temps de notre naissance. Notre vie est trop courte pour que les soins de l'avenir nous fassent perdre la jouissance du moment présent. Puissiez-vous en profiter de longues années, comblée de toutes les prospérités que vous méritez à si juste titre! Personne ne vous le souhaite plus sincèrement