<68> abuser de son temps, je l'ai prié moi-même de se rendre à Potsdam, après avoir concerté avec lui les remèdes les plus convenables à ce qui demande chez moi un plus prompt secours. Ce sont les bouillons de vipère, que je commencerai demain; je ne discontinuerai pas les eaux, mais ce seront celles de Selters, que je mêle avec un peu de vin à mon dîner. M. de Lieberkühna avait opiné pour celles d'Éger; mais il me faudra, avant tout, tâcher de remettre de la vigueur dans la machine, qui est totalement abattue. Les pouls sont bas, le sang comme engourdi, la respiration la plupart du temps embarrassée. Je demande pardon à V. M. de lui présenter des idées aussi tristes; mais j'ai cru, Sire, que l'intérêt que V. M. daigne prendre à mon état m'imposait le devoir d'entrer dans ce détail. Au cas, Sire, que mon heure soit venue, je serai trop heureux, si j'emporte quelque regret de V. M.

46. AU COMTE ALGAROTTI.

Potsdam, 1er septembre 1749.

Je connais si bien les maux dont vous vous plaignez, j'en ai été incommodé si longtemps, que c'est moins moi que l'expérience qui vous parle par ma bouche. Ce n'est point une maladie dangereuse. Le principe en est un sang âcre et épaissi qui, circulant mal, s'arrête dans les petites veines du bas-ventre, où, comme vous le savez, la circulation est naturellement plus lente que dans les autres parties du


a Jean-Nathanaël Lieberkühn naquit à Berlin en 1711. De retour de ses voyages vers la fin de 1740, il fut bientôt recherché et consulté comme le plus habile médecin de la capitale. Il est surtout célèbre par ses travaux sur l'anatomie. Il mourut en 1756. Voyez t. II, p. 39 et 40, t. XIII, p. 70, et ci-dessus, p. 8. Voyez aussi la lettre de Frédéric à Voltaire, du 4 décembre 1739.