52. DU MÊME.
Berlin, 17 septembre 1749.
Sire,
Le prince de Lobkowitz m'a invité, Sire, d'aller passer sept ou huit jours à Sagan; il soutient, Sire, que le mouvement du voyage et de la vie active que l'on mène chez lui fera beaucoup de bien à ma santé, et les médecins en conviennent. Ainsi, Sire, si V. M. a la bonté de l'agréer, j'irai prendre ce remède, qui ne sera point du tout amer comme le sont ceux de M. Lieberkühn. Je redoublerai, Sire, mes soins à mon retour, afin que mon impression aille plus vite encore, s'il est possible, et tâcherai de regagner le temps employé à cette cure, qui sera toute prise de la médecine gymnastique. Le temps s'étant mis au beau, j'espère que les eaux feront beaucoup de bien à V. M., quoique, Sire, la santé de V. M. pourrait s'en passer, grâce à Dieu; et elle est à présent aussi bien remise qu'elle a été toujours précieuse.
Tene magis salvum populus velit, an populum tu,
Servet in ambiguo, qui consulit et tibi et Urbi
Juppiter.a
Si nous étions dans les beaux temps de l'antiquité, l'on ne verrait que sacrifices à la déesse Hygiée, que feraient les sujets de V. M. pour remercier cette divinité bienfaisante d'avoir répandu ses dons sur leur Titus. Mais quels seront les sacrifices ou plutôt les évocations que fera le pauvre Voltaire? Je le plains réellement d'avoir perdu ce qu'il ne retrouvera peut-être jamais; la perte d'une femme qu'on aime, et avec qui on passait sa vie, est irréparable pour ceux qui ne commandent pas des armées et ne gouvernent pas des États. J'en suis d'autant plus fâché, Sire, que ce malheur dérangera peut-être
a Horace, Épîtres, liv. I, ép. 16, v. 27, 28 et 29.