<193> font bien connaître l'auteur auquel ils en veulent. J'aurai l'honneur de dire à V. M. qu'il n'est plus possible que vous puissiez vous cacher lorsque vous écrirez quelque ouvrage; votre style, et surtout un certain tour original, vous décèleront toujours, quelque soin que vous preniez de vous déguiser. Par exemple, vous n'aviez jamais parlé de l'Oraison funèbre;a à peine en eus-je lu vingt lignes, que je vous reconnus. Si V. M. ne m'avait pas appris qu'elle avait écrit la Lettre de la Pompadour à la Reine, croyez-vous que je n'aurais pas senti que vous en étiez l'auteur, en lisant ces deux endroits : « Vous n'en serez pas moins apostolique, madame, car, pour ne rien vous déguiser, les apôtres vos devanciers menaient des sœurs avec eux, et il faudrait être trop bonne pour croire que ce n'était que pour être en oraison avec elles. »b Je sais que Voltaire n'écrit pas contre la Reine et la Pompadour; et quel est l'auteur qui ait assez d'imagination et en même temps de hardiesse pour dire cela, si ce n'est le Philosophe de Sans-Souci, dès que Voltaire ne l'a pas dit? Voici un autre endroit caractéristique : « On va plus loin à Rome : le père commun des croyants autorise même des lieux licencieux, par indulgence, et pourvu que l'on paye, il est content. Ce bon père compatit aux faiblesses de ses enfants, et il tourne ces peccadilles en bien, par l'argent qui en revient à l'Église. Le monde a de tout temps été fait de même; il lui faut du plaisir, et de la liberté dans son plaisir. »b A présent, Sire, permettez que je fasse ici les réflexions d'un auteur qui cherche à connaître celui de l'ouvrage où sont contenus ces deux passages. Il dit d'abord : Un auteur protestant ne se moquerait point des apôtres, un auteur catholique ne tournerait pas le pape en ridicule; il faut donc que ce soit un écrivain sans religion. Cet ouvrage est plein d'esprit et d'imagination, comme le sont ceux de Voltaire et du Philosophe de Sans-Souci; nous savons que Voltaire ne l'a point
a Panégyrique du sieur Jacques-Matthieu Reinhart. Voyez t. XV, p. 99-127.
b Voyez t. XV, p. 91.