<197> gazettes ont parlé un mois de suite de ce monument. Je ne vous en ai rien dit jusqu'à présent, parce que je sais combien votre caractère archiphilosophique est peu sensible à ces sortes d'apothéoses. Je vous passe, en qualité de roi, de vous mettre au-dessus de la gloire, mais du moins comme héros vous devriez la chérir. Cependant, content de la mériter, vous êtes indifférent pour les honneurs qui la suivent. Vous faites bien mentir le proverbe qui dit que jamais poëte ne fut modéré dans son ambition pour la gloire. Vous êtes bon poëte, et vous fuyez les louanges; il y a dans votre modestie de quoi faire honte à tous les gens de lettres.
J'ai lu, Sire, avec admiration la liste du beau service de porcelaine dont vous voulez me faire présent. J'ai d'abord été visiter mon armoire, et je l'y ai rangé en imagination, en attendant le jour où je pourrai le faire en réalité. V. M. me permettra de lui dire qu'une coquette à qui l'on promet des pompons d'un goût nouveau n'est pas plus impatiente de les recevoir que je le suis de voir ces porcelaines. Les quinzaines des ouvriers de la fabrique me paraissent les semaines du prophète Daniel; et, sans vouloir médire de MM. les faiseurs de porcelaines, je devrais, selon la première lettre où V. M. me faisait la grâce de m'en parler, les avoir depuis quinze jours, et, par sa dernière lettre, j'ai vu encore une nouvelle quinzaine. V. M. m'écrit que je suis devenu poëte. Ah! si je l'étais, je ferais une ode dans le goût d'Horace pour la remercier, et une satire du style de Juvénal contre les tardifs fabricants.
Tous les gens de goût et tous ceux qui connaissent les arts font ici le voyage de Berlin à Potsdam, pour aller voir la galerie, avec autant d'empressement que les dévots font celui de Lorette ou de Saint-Jacques de Compostelle. Ceux qui ont vu l'Italie et la France conviennent unanimement que, après Saint-Pierre de Rome, il n'y a aucun bâtiment aussi somptueux et aussi élégant. J'espère le voir avec V. M. au commencement de l'automne, et, si nous n'avons pas la paix,