<198> vous ferez une campagne heureuse qui vous rendra, cet hiver, à votre peuple et à tous vos bons et fidèles serviteurs, à qui votre vie est aussi précieuse que la leur. J'ai l'honneur, etc.

134. AU MARQUIS D'ARGENS.

(Schlettau) 10 juin 1760.

Votre lettre, mon cher marquis, m'a trouvé dans les grandes convulsions de l'inquiétude et de l'embarras. Nos affaires prennent un tour abominable; il faut mal gré bon gré se jeter dans les grandes aventures et jouer à quitte ou double. Des remèdes désespérés sont les seuls aux maux de pareille nature. Je vous l'ai dit souvent et je le répète, cette campagne nous sera funeste; mais je n'y saurais que faire. Je suis entraîné par le torrent des événements hors des routes de la prudence ordinaire, et obligé de choisir de deux mauvais partis le moins fâcheux. J'agirai avec tout le sang-froid et toute la résolution possible; mais la besogne est trop forte, et j'y succomberai. Veuille le ciel que je me trompe! Toutes les probabilités me sont contraires, et, selon la façon de raisonner des hommes, je ne puis me sauver à moins d'un miracle. Jugez donc si des statues et des honneurs si peu mérités doivent m'affecter. Nous ne laissons en mourant qu'un vain nom à nos tombeaux, nos titres et nos biens à des héritiers souvent ingrats, et notre mémoire à déchirer à nos envieux.a

Il y a eu des jours de fête qui ont empêché les ouvriers de travailler pour vous. J'ai pris des mesures pour que ce service soit bien


a Cette dernière phrase est une réminiscence d'un passage de l'Oraison funèbre de Henriette-Anne, duchesse d''Orléans, par Bossuet.